avril 2007 Archives

dimanche 29 avril 2007 12:50

La précarité touche aussi les retraités



Georges et Micheline ont 75 et 72 ans. Ils ont trois enfants dont deux sont mariés. Ils ont quatre petits-enfants.

Dans mon premier emploi, c'est Georges qui m'a appris à travailler. Ça fera bientôt trente ans, mais on est toujours restés amis.

En 2001, le ciel leur tombe sur la tête. Le plus jeune de leur fils est atteint d'une maladie grave. Sa vie est en jeu. Il a trente ans, un fils de deux ans. une situation stable, il vient d'acheter un appartement. C'est parti pour des mois de traitements lourds et pénibles.

Au bout d'un an, leur fils est sauvé. Pour Georges et Micheline, c'est la fin du cauchemar. Ils bénissent les médecins, l'hôpital.

Fin du cauchemar, mais pas des soucis : leur fils va devoir chercher un autre emploi. Son poste vient d'être transféré à une centaine de kilomètres, apparemment sans aucune raison. Pendant sa longue maladie, ses collègues ont été super : ils ont fait le travail à sa place, ils sont venus le voir, l'ont tenu au courant. Ça l'a bien aidé à tenir le coup. Mais le patron s'est habitué à se passer de lui.

Il retrouve rapidement un nouvel emploi dans la même ville. Il redémarre à zéro, un peu moins payé. Surtout ses nouveaux horaires compliquent la vie de famille. Du coup, sa femme et lui décident qu'il vaut mieux qu'elle ne reprenne pas le travail aux trois ans de leur enfant.

Comment payer l'appartement ? Naturellement, Georges et Micheline proposent de les aider. Ils touchent 1400 euros de retraite à eux deux. Ils sont propriétaires de leur maison et ont eu, dès l'enfance, l'habitude de vivre "avec presque rien". Marqués par la tristesse dans les yeux de leur petit-fils quand son père était à l'hôpital, ils trouvent qu'il faut laisser à la famille le temps de souffler. Aussi, ils proposent de verser 500 euros par mois pendant deux ans.

Au bout des deux ans, leur belle-fille cherche à retrouver un travail. Elle n'a pas droit au chômage. Elle ne trouve que des petits boulots de temps en temps qui compensent à peine les frais de garde qu'ils occasionnent. Alors Georges et Micheline continuent à verser 500 euros par mois.

Et ça fait cinq ans que ça dure. Ils n'en parlent à personne, mais ça les mine. Leur fils vient les voir régulièrement, une gêne s'est installée entre eux, bien qu'il n'y soit pour rien. Leurs autres enfants ne savent pas que l'aide temporaire est devenue permanente. Si Georges m'en a parlé hier soir, pour la première fois, c'est parce que bien que proche de lui, je ne fais pas partie de la famille.

Scène ordinaire de la vie en France après cinq ans de gouvernement Raffarin-Sarkozy puis Villepin-Sarkozy.

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mardi 24 avril 2007 20:17

Mon quartier a voté Ségolène



Dans un billet de septembre dernier, j'exprimais l'espoir que les habitants de mon quartier, le Haut-du-Lièvre à Nancy, se mobiliseraient pour les élections présidentielles. Je n'ai pas été déçu.

Le Haut-du-Lièvre a la particularité d'être une banlieue dont la plus grande partie est administrativement rattachée à la ville-centre. Cette cité HLM construite dans les années soixante compte parmi ses bâtiments le Cèdre Bleu, longtemps réputé le plus long d'Europe. Les autres banlieues de l'agglomération sont situées dans les communes périphériques.

J'ai trouvé intéressant de comparer les résultats des trois bureaux du quartier avec ceux des cinquante et un autres bureaux de Nancy :

                        Part.   PS      UDF     UMP     FN 
-------------------------------------------------------------
HDL (%)                 72,1    47      13,9    19,4    7  
Autres (%)              82,5    27,7    22,4    32,2    6,2


Malgré cette forte poussée PS, le PCF et la LCR font chacun un à deux points de plus que sur le reste de la ville, ce qui permet à la gauche d'être très largement majoritaire.

L'abstention reste plus élevée qu'ailleurs. En un sens ça signifie qu'on peut faire mieux le 6 mai.

Pour ce qui me concerne, je n'ai pas voté PS au premier tour, mais PCF, comme à chaque fois que c'est possible. Mon vote du second tour est décidé depuis longtemps : sans aucune illusion sur le programme de Ségolène Royal, mais sans aucune réserve contre celui de la droite.

Pour ce deuxième tour, les résultats de mon quartier me donnent une raison supplémentaire de voter Ségolène : voter avec les jeunes, les ouvriers, les étudiants et les chômeurs qui font partie de ma vie, et dont je suis fier. Voter aussi pour celles et ceux qui ne peuvent pas voter : nos conjoints, parents, enfants, frères et soeurs, voisins qui n'ont pas la nationalité française.

Ensemble, avec tous les hommes et les femmes de bonne volonté, où qu'ils habitent, nous ferons le maximum pour que notre pays évite de tomber dans la berlusconnerie.

Et si par malheur ça devait arriver, nous serons toujours là.

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samedi 21 avril 2007 22:39

Votre voisin fait peut-être partie de la police...

... et vous ne le savez pas encore. On vous a dit qu'il travaille au supermarché du coin, et effectivement il vous arrive de l'y apercevoir quand vous faîtes vos courses. D'ailleurs, même si vous ne l'appréciez pas particulièrement (en fait c'est lui qui vous fait la gueule, vous ne savez pas pourquoi), vous savez qu'il n'est pas un menteur. Enfin, vous avez du mal à l'imaginer avoir une double vie.

Il n'en a pas. Vous habitez seulement un des vingt-cinq départements français choisis pour expérimenter le « Service Volontaire Citoyen de la Police Nationale ». Votre voisin a déposé sa candidature. Après enquête administrative, il a été accepté.

Il est ainsi devenu, sur son temps libre, un supplétif bénévole de la Police. Il n'a bien sûr pas le droit de vous verbaliser. Ses missions peuvent être variées. Les vingt-cinq préfectures concernées mettent souvent en avant les « actions de médiations ».

Comme vous n'êtes pas spécialement en bons termes, il ne vous en a pas encore parlé. Rien ne l'y oblige.

Vous l'apprendrez bien un jour de toutes façons. Les occasions d'être en contact avec la Police ne manquent pas.

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mardi 17 avril 2007 22:21

Vote communiste et part des salaires dans le PIB.



Trouvé sur le site de l'Autre Campagne, un article de Pierre Larrouturou illustré par ce graphique :

part des salaires dans le PIB.

À comparer avec les scores du PCF aux présidentielles depuis que cette élection a lieu au suffrage universel (repris de Wikipedia) :

  • 1969 : Jacques Duclos, 21,27 % des suffrages
  • 1974 : soutien à François Mitterrand, socialiste
  • 1981 : Georges Marchais, 15,34 % des suffrages
  • 1988 : André Lajoinie, 6,8 % des suffrages
  • 1995 : Robert Hue, 8,65 % des suffrages
  • 2002 : Robert Hue, 3,37 % des suffrages.


Moins il y a de votes communistes plus ça va mal pour l'ensemble des salariés. À commencer par les ouvriers et les chômeurs.

Quant à l'article de Larrouturou il est intéressant. J'avais lu son premier bouquin sur les 32 heures et à l'époque, il tablait beaucoup sur les baisses de cotisations. Apparemment il a laissé tomber ce point-là : tant mieux. Dommage qu'il renonce à la retraite à 60 ans. J'ai l'impression qu'il s'est senti obligé de laisser une concession à la pensée dominante.

À propos de la baisse des cotisations dites patronales, ceux qui parlent de relancer l'emploi au moyen de « baisses de charges » sont des tristes farceurs. Depuis les abattements Fillon, des (prétendues) charges, il n'y en a pratiquement plus sur les bas salaires[1]. Or les salariés les moins bien payés sont justement ceux qui souffrent le plus du chômage et du sous-emploi.

Note : [1] sauf pour les particuliers employeurs (garde d'enfants, ménages). Il faut qu'ils continuent à croire « que les entreprises paient trop de charges »

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dimanche 15 avril 2007 18:09

« L'an dernier, j'ai même payé des impôts »



Il en est fier Jamel. Ça fait trois ans qu'il bosse en intérim. Toujours dans les deux mêmes entreprises. Surtout une, spécialisée dans la logistique. Dans cette boîte, environ les deux tiers des salariés sont comme lui des intérimaires.

Il n'est pas seulement fier d'avoir payé des impôts. Je sens qu'il est fier de son boulot aussi. Préparer mille colis par jour (entre 10 et 40 kilos chacun), ce n'est pas à la portée du premier venu. Fier d'avoir tenu la cadence : « Tu as un lecteur de code barre que tu passes devant chaque colis. Si tu restes deux minutes sans commencer un nouveau, ton numéro clignote sur l'Ipod du chef qui dit ton nom au micro ». Fier d'avoir accumulé des heures de travail : « On a fait tellement d'heures que l'Inspection du Travail a obligé l'agence d'intérim à nous payer plusieurs jours à rester à la maison ».

Jamel a 27 ans et depuis quelques semaines, il prend de plus en plus de médicaments à cause d'un mal de dos qui ne veut plus se faire oublier. Pas question de demander un arrêt-maladie. Sa cadence de travail a diminué plusieurs jours de suite. Alors son chef lui a expliqué que la mission ne serait pas renouvelée dans l'immédiat. On le rappellera dans deux ou trois mois. Peut-être.

Sans lui dire évidemment qu'avec toutes les heures accumulées en intérim, Jamel peut déposer une demande de formation dans le cadre du CIF. Il a même passé le seuil au delà duquel la demande est examinée en priorité. Son rêve, c'est la « grande distri » : devenir chef de rayon dans une grande enseigne. Muni de son bac, ça lui prendra peut-être un peu de temps, mais ce n'est pas un rêve extravagant.

En attendant ce qui va lui manquer, c'est le tout petit briefing du matin, à l'américaine (ce sont ses termes, j'aurais dit plutôt "à la japonaise") : « L'entreprise compte sur nous, nous sommes les meilleurs, on va donner le maximum ».

Scène ordinaire de la vie ouvrière en France au début du vingt-et-unième siècle.

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mercredi 11 avril 2007 22:46

Marie George Buffet, candidate du monde du travail



Mon choix est fait : je voterai pour Marie George Buffet. En fait j'ai choisi depuis longtemps. Et pour tout dire, si le PCF n'avait pas présenté de candidat(e), ça m'aurait déçu. Le PCF n'a pas la science infuse, quelque fois je trouve que les positions qu'il met en avant manquent de cohérence (sur la modulation des cotisations sociales par exemple), d'autres fois il est excellent (sur les NTIC par exemple, et ce n'est pas un sujet secondaire).

Il n'en reste pas moins que pour les ennemis de l'emploi et du monde du travail, il a été et il est toujours l'ennemi numéro un. Ceux-là ne craignent ni la LCR, ni LO ni les sympathiques Bové et Schivardi. Au contraire, il ne manqueront pas de se réjouir si Besancenot distance Buffet. Leur vieux rêve : enterrer le parti communiste et avec lui ces deux piliers de la société française que sont la Sécurité Sociale et le statut général des fonctionnaires. C'est bien ainsi que je comprends le ressentiment du patron de LVMH contre le socialo-marxisme français. Ces gens-là ont de la mémoire et de la constance.

J'ai entendu l'autre jour Ségolène Royal défendre ses contrats-première-chance avec les mêmes mots qu'utilisait Dominique de Villepin pour essayer de sauver son CPE. Si elle n'est pas au second tour, elle ne devra s'en prendre qu'à elle-même. Exactement comme Jospin est le principal responsable, à mon sens, du 21 avril 2002 : rien ne l'obligeait à baisser pavillon devant Seillière sur la question du PARE. Ce sinistre PARE qui a ouvert la voie aux radiations massives d'aujourd'hui.

Nous avons besoin d'une expression politique du monde du travail (pas seulement du salariat, aussi des travailleurs indépendants). D'une force politique qui porte l'idée que l'emploi ne s'achète pas et que ce n'est pas en bradant le travail qu'on enrichit le pays. Qui tienne en respect les actionnaires et leurs exigences croissantes de rentabilité financière. En France, en Europe et ailleurs. Au jour le jour et dans la durée. Le reste, à mon sens, c'est littérature et écrans de fumées.

Notre pays a connu des périodes de progrès social. En attendant qu'on me démontre le contraire, je suis persuadé que le vote communiste a été le premier facteur de ces progrès. Non pas en tant que vote protestataire, mais en tant que vote utile et constructif.

A contrario, la diminution du vote communiste a conduit à ce que les licencieurs et comprimeurs de salaires se croient tout permis.

Alors le 22 avril, je contribuerai à renverser la vapeur en votant pour Marie George Buffet.

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