mai 2007 Archives
samedi 12 mai 2007 23:53
Accession à la propriété ou opium du peuple ?
Dans le débat de l'entre-deux-tours, une phrase m'avait frappé :
« je veux une France de propriétaires. »
Rien de nouveau à droite : le général Franco, par exemple, avait parmi ses objectif que 100% des foyers espagnols soient propriétaires de leur habitation.
Comment expliquer l'engouement bien réel pour l'accession à la propriété ? L'idée selon laquelle les mensualités d'emprunt ne sont pas plus élevées qu'un loyer pour un logement équivalent est une idée généralement fausse :
Accession à la propriété : des acquéreurs plus nombreux mais prudents Auteur : Jean Boisvieux, Anil Economie et statistiques n°381-282 de 2005
Rares sont ceux qui ont pu financer l'acquisition sans recourir à l'emprunt : ils ne représentent que 5 % de l'ensemble (6 % pour les ex-locataires du secteur privé et 3 % pour ceux du locatif social). Pour les autres, l'accession à la propriété se fait au prix d'une augmentation très significative de la dépense de logement : la mensualité est en moyenne supérieure de 58 % pour les ex-locataires du secteur social et de 45 % pour ceux du secteur libre au loyer payé en 1997. Si besoin était, ce constat contredit sans ambiguïté l'idée commune, fréquemment utilisée comme argument de vente et intégrée par de nombreux ménages persuadés de payer un loyer « à fonds perdus », selon laquelle il serait possible d'« accéder à la propriété pour le prix d'un loyer ».
Par ailleurs ces dernières années ont vu les durées d'emprunt augmenter jusqu'à 25 ou 30 ans, ce qui est énorme.
En tous cas, la conception sarkozyste de l'identité nationale (une France de propriétaires) a certainement trouvé un écho si l'on en croit la décomposition du vote par tranche d'âges :
Sarkozy / Royal
- 18 à 24 ans 42% / 58% - 25 à 34 ans 57% / 43% - 35 à 44 ans 50% / 50% - 45 à 59 ans 45% / 55% - 60 à 69 ans 61% / 39% - 70 et plus 68% / 32%
Sachant que l'âge moyen des accédants actuels à la propriété est de 35 ans et que la tranche d'âge 25-34 ans a reçu cinq sur cinq le message sarkozien, on peut émettre l'hypothèse que les projets actuels d'achat de maison ou d'appartements ont eu un rôle important dans le choix des électeurs de cette tranche d'âge.
Au passage, on remarquera que les retraités sont souvent concernés de près par les projets immobiliers de leurs enfants puisqu'ils leur fournissent souvent une part significative de l'apport personnel. Sans compter les coups de main en nature : pose des tapisseries, plantation du jardin, etc.
Alors que 90% de la population active est salariée, il faut bien un opium du peuple pour que la bourgeoisie conserve son pouvoir. Bien plus que la Star-Ac et TF1, l'engouement du public pour l'accession à la propriété a sans doute permis à la droite de conserver, cette fois encore, les commandes.
Toutefois, si un krach immobilier se produit, comme on peut s'y attendre, le réveil risque d'être douloureux : quand il faudra continuer à rembourser les emprunts d'une habitation revendue (à perte) pour cause de perte d'emploi, ça risque de faire mal.
lundi 07 mai 2007 15:07
Non à la fin du CDI
Les salariés ont perdu une bataille. Le « contrat unique », partie intégrante du programme du nouveau président de la république, est donc sensé remplacer le CDI et le CDD.
Bataille perdue sans avoir été menée. Au cours du débat entre les deux candidats du second tour cette question n'a même pas été évoquée. Sans doute pour éviter les critiques sur les « contrats premières chances », voire les « emplois tremplins ».
Il n'y a pas de temps à perdre. Nous sommes tous sonnés par l'arrivée au pouvoir d'un candidat qui a moissonné la xénophobie cultivée depuis des années par le Front National. Face à cette tragédie, notre responsabilité est de réagir sans tarder en lançant dès maintenant une campagne contre la fin du CDI. Nous pouvons nous appuyer sur les premiers concernés : les jeunes, les chômeurs et les précaires.
Autre aspect de la question, et non des moindres : les luttes sociales ont cet avantage sur le combat électoral qu'elles n'excluent pas les travailleurs étrangers. Nos collègues, voisins, amis, étrangers ressentent très durement ce qui vient de se passer. J'en parle en connaissance de cause. Comme nous, ils viennent de recevoir leur feuille d'impôt. Comme nous ils paient les retraites de ceux qui viennent de leur cracher à la figure. En reprenant l'initiative dès maintenant sur le social, et précisément sur le refus du contrat unique, nous pouvons faire de cette saloperie un mauvais souvenir sans lendemain.
Nous avons barré la route au CPE après que la loi ait été votée. Même avec Sarkozy à l'Élysée, nous pouvons encore barrer la route au programme du MEDEF.
samedi 05 mai 2007 13:08
Révision à la hausse du nombre de décès dûs à la canicule 2003
Le 22 mars dernier, l'Inserm publiait un communiqué chiffrant à 19.490, et non plus à 15.000 le nombre de personnes décédées à cause de la canicule de 2003.
Pour se remémorer le contexte de l'époque, il n'est pas inutile de relire le rapport parlementaire sur cette catastrophe sanitaire.
Extraits de la section concernant les Services Départementaux d'Incendie et de Secours (SDIS) :
Le cabinet du ministre de l'intérieur était concerné par les événements à double titre : d'une part, en raison de la tutelle que le ministre exerce sur les services de sécurité civile - au premier rang desquels figurent les sapeurs-pompiers de Paris - et d'autre part, à cause de ses compétences en matière de réglementation des inhumations.
Lors de son audition, M. Nicolas Sarkozy, ministre de l'intérieur, de la sécurité intérieure et des libertés locales, a apporté la précision suivante : « On peut distinguer, du point de vue de mon ministère, deux périodes : celle du début du mois d'août jusqu'au 12, durant laquelle la crise sanitaire n'a pas été mesurée, puis, à compter du 12 août, une période durant laquelle les difficultés funéraires ont permis de prendre conscience de l'ampleur de la crise sanitaire. »
La suite nous éclaire sur la gestion de la crise du côté de la préfecture de Police et du ministère de l'Intérieur :
Dans le premier cas, les informations dont disposait le cabinet dépendaient étroitement des remontées d'informations des préfectures et du COGIC. Or, sur ce point, le préfet de police de Paris, l'un des préfets les plus concernés, a été parfaitement clair : « Le préfet de police - son directeur de cabinet en son absence - a un rendez-vous quotidien avec le ministre de l'intérieur ou son directeur de cabinet, vers 19 heures. Pendant la période du 8 au 12 août, j'étais remplacé par mon directeur de cabinet. C'est la raison pour laquelle vous avez le rapport de M. Michel Lalande, qui est mon directeur de cabinet. Le directeur de cabinet du ministre de l'intérieur était également absent du 8 au 12 août. Pendant cette période, mon collaborateur, Michel Lalande, effectuant mon intérim, se rendait tous les soirs chez le directeur adjoint du cabinet du ministre de l'intérieur, qui est M. Canepa. Tous les soirs, se tenait donc la réunion habituelle. (...) Je suis sincère en vous disant que jusqu'au 12 août, mon collaborateur m'a expliqué des choses tout à fait simples - de la même manière qu'il a dû le faire auprès de M. Canepa -, à savoir que l'on allait renforcer le dispositif d'intervention en raison de l'augmentation des malaises et faire appel à la Croix-Rouge. ». Ce n'est donc que le 12 août que le cabinet du ministre a eu connaissance d'éléments inquiétants. S'agissant de la gestion des corps des victimes, le cabinet du ministre a entrepris des démarches dès le 11 août pour évaluer les capacités de l'institut médico-légal de Paris, puis, le 13 août, instruction a été donnée aux préfets des départements de transmettre le nombre de décès recensés quotidiennement depuis fin juillet, avec des éléments de comparaison par rapport à l'année antérieure. Le 14 août, des dispositions étaient prises pour faciliter les inhumations et une nouvelle instruction était donnée aux préfectures pour indiquer au Gouvernement les établissements de leurs départements susceptibles de déclencher les plans blancs. Au total, le cabinet du ministre de l'intérieur s'est montré réactif mais, à l'instar des autres cabinets, dépendant des informations que les administrations étaient supposées lui fournir.
Pour mémoire, voici l'évolution du nombre d'interventions des sapeurs pompiers de Paris en août 2003 :
EVOLUTION DU NOMBRE D'INTERVENTIONS DES SAPEURS POMPIERS DE PARIS EN FAVEUR DE VICTIMES SUR LA VOIE PUBLIQUE _______________________________________________________________ | |Assistances à personnes|Secours à victimes| |__________________|_______________________|__________________| |Vendredi 1er août |37 |688 | |__________________|_______________________|__________________| |Samedi 2 août |53 |613 | |__________________|_______________________|__________________| |Dimanche 3 août |42 |597 | |__________________|_______________________|__________________| |Lundi 4 août |38 |709 | |__________________|_______________________|__________________| |Mardi 5 août |77 |743 | |__________________|_______________________|__________________| |Mercredi 6 août |71 |820 | |__________________|_______________________|__________________| |Jeudi 7 août |87 |917 | |__________________|_______________________|__________________| |Vendredi 8 août |70 |1 000 | |__________________|_______________________|__________________| |Samedi 9 août |73 |899 | |__________________|_______________________|__________________| |Dimanche 10 août |72 |863 | |__________________|_______________________|__________________| |Lundi 11 août |81 |1 324 | |__________________|_______________________|__________________| |Mardi 12 août |93 |1 644 | |__________________|_______________________|__________________| |Mercredi 13 août |92 |1 366 | |__________________|_______________________|__________________| |Jeudi 14 août |59 |878 | |__________________|_______________________|__________________| |Vendredi 15 août |45 |634 | |__________________|_______________________|__________________| |Samedi 16 août |70 |642 | |__________________|_______________________|__________________| |Dimanche 17 août |50 |582 | |__________________|_______________________|__________________| Source : rapports quotidiens de la brigade des sapeurs pompiers de Paris.
Suite du rapport :
L'audition conjointe de ce général et du commandant Jacques Kerdoncuff, ancien officier de presse de la brigade, a permis à la commission d'acquérir la conviction que les sapeurs-pompiers parisiens prennent alors conscience du caractère anormal de la situation. Mais leurs signaux d'alarme, susceptibles d'éveiller l'attention des populations, ne seront pas exploités par les autorités en charge de la sécurité civile. Considérant que la brigade de sapeurs-pompiers de Paris n'a pas la mission ni les moyens de recenser avec fiabilité et de manière exhaustive les décès par hyperthermie, le chef de cabinet du préfet de police donnera pour consigne, le 8 août, à l'issue de deux appels téléphoniques passés à 17 heures 53 et 18 heures 07, d'« éviter une dramatisation inutile de la situation en évoquant directement un nombre incertain de 7 morts » et de « poursuivre, compte tenu du risque, et de manière répétée, le maximum de conseils de prévention »
jeudi 03 mai 2007 22:38
Sarkozy a renoncé face à sa concurrente
Aussitôt élue, la nouvelle Présidente le remercie :
Je veux remercier Francis Mer et Guillaume Sarkozy qui ont donné à la campagne un rayonnement et une dignité particulière.
Nous sommes le 5 juillet 2005 et Laurence Parisot vient de prononcer son premier discours en tant que numéro un du Medef.
Guillaume Sarkozy en s'effaçant laisse le champ libre à son jeune frère Nicolas. En effet, la présence de son frère aîné à la tête de l'organisation patronale risquait de plomber la candidature de ce dernier à la présidence de la République Française.
On imagine la scène : « Monsieur Sarkozy, en tant que président du Comité des Forges, que pensez-vous de votre petit frère citant Jaurès ? »
Difficile de faire oublier cette proche parenté, même en focalisant sur la sécurité, les banlieues, l'immigration, l'identité nationale.
Guillaume, ayant sacrifié son ambition au nom de la solidarité familiale, est devenu depuis le patron de Mederic, une institution financière leader sur le marché de la protection sociale. Voir au sujet de Mederic cette lettre du ministre de l'économie et des finances et de l'industrie, datée du 11 mars 2004.
Qui est le ministre à cette date ? Francis Mer. Qui le remplace le 31 mars, soit vingt jours plus tard ? Nicolas Sarkozy.
Le monde est petit, non ?
Au passage, on notera que les profiteurs de la protection sociale de sont pas ceux qu'on croit. En bon français, le profit c'est le gain de l'actionnaire. Et l'actionnaire a déjà largement fait son trou dans notre protection sociale. En attendant de tout bouffer dans la France d'après.
jeudi 03 mai 2007 13:41
Plus que quelques jours pour signer un CDI.
Le candidat préféré des patrons (90% des adhérents et sympathisants du MEDEF et de la CGPME déclarent avoir voté pour lui au premier tour) l'a décidé. Il va unifier les contrats de travail (CDI et CDD, intérim) dans un seul contrat : le contrat unique.
Ce nouveau contrat sera par définition sans terme (sans date de fin) ce qui en fait, stricto sensu, un contrat à durée indéterminée. Comme le CNE, comme le CPE.
Ce qui change, c'est la façon de mettre un terme au contrat. Le principe est de permettre aux employeurs de licencier à volonté en connaissant à l'avance le coût de la rupture du contrat. En effet, le système actuel est source d'incertitude, toujours du point de vue de l'employeur : il n'est pas à l'abri d'une procédure prudhomale qui le condamnerait à payer des dommages et intérêts si les droits du ou des salariés n'ont pas été respecté. Il arrive même que l'employeur soit condamné à reprendre le ou les salariés.
Avec le contrat unique ce « risque » disparaît. Il n'y a pas besoin de motiver la rupture du contrat. Il suffit de payer. Le coût est connu d'avance : il augmente avec l'ancienneté du salarié. Du coup, il devient beaucoup plus facile de préparer un plan social.
Il devient tentant aussi de se séparer tôt de ses salariés avant que leur « licenciement » ne coûte plus cher. Pour supprimer cet effet pervers, l'Hedec propose une formule alternative à celle de l'UMP où le coût de la rupture de contrat serait forfaitaire et non plus progressif en fonction de l'ancienneté.
Sur le fond, le problème reste entier : le contrat unique, bien qu'il n'ait pas de terme fixé à l'avance, n'a plus rien à voir avec le CDI tel que nous le connaissons. S'il est mis en place, il changera totalement les rapports entre employeurs et salariés dans la mesure où il n'y aura plus de dissuasion à licencier.
Pour en savoir plus, voir l'analyse de Gérard Filoche.
À noter que le gouvernement actuel vient de préparer le terrain en publiant, alors que tout le monde était focalisé sur les élections, une ordonnance préparant une refonte en profondeur du Code du Travail.
Rupture ? Mon oeil !
mercredi 02 mai 2007 00:45
CPE : le candidat de l'UMP a la mémoire courte
Entendu Sarkozy à la télé expliquer qu'il ne fallait pas un contrat de travail spécifique aux jeunes et qu'il avait été contre le CPE.
Retrouvé cet article daté du 16 janvier 2006 sur le site « ensemble pour le CPE ».
Sous le titre « Valérie Pécresse et Luc Chatel, porte-parole de l?UMP, soutiennent le CPE », en voici un extrait :
Nous nous félicitons de l'initiative du Premier ministre de mener la bataille pour l'emploi des jeunes. C'est une offensive prioritaire" car "redonner le moral aux Français c'est d'abord redonner confiance aux jeunes. Les propositions présentées par Dominique de Villepin ont été élaborées à la suite de plusieurs entretiens avec le président de l'UMP Nicolas Sarkozy. C'est une solution gagant-gagnant : il y a plus de souplesse pour les entreprises, plus de protection pour les jeunes, avec des droits au chômage, à la formation, qui n'existaient pas auparavant.
Ce type a des problèmes de mémoire, ou alors il nous prend pour des imbéciles.
En attendant, son contrat unique c'est l'extension du CNE (ou du CPE) à toutes les nouvelles embauches.