La précarité touche aussi les retraités
Georges et Micheline ont 75 et 72 ans. Ils ont trois enfants dont
deux sont mariés. Ils ont quatre petits-enfants.
Dans mon premier emploi, c'est Georges qui m'a appris à travailler.
Ça fera bientôt trente ans, mais on est toujours restés amis.
En 2001, le ciel leur tombe sur la tête. Le plus jeune de leur fils
est atteint d'une maladie grave. Sa vie est en jeu. Il a trente
ans, un fils de deux ans. une situation stable, il vient d'acheter
un appartement. C'est parti pour des mois de traitements lourds et
pénibles.
Au bout d'un an, leur fils est sauvé. Pour Georges et Micheline,
c'est la fin du cauchemar. Ils bénissent les médecins,
l'hôpital.
Fin du cauchemar, mais pas des soucis : leur fils va devoir
chercher un autre emploi. Son poste vient d'être transféré à une
centaine de kilomètres, apparemment sans aucune raison. Pendant sa
longue maladie, ses collègues ont été super : ils ont fait le
travail à sa place, ils sont venus le voir, l'ont tenu au courant.
Ça l'a bien aidé à tenir le coup. Mais le patron s'est habitué à se
passer de lui.
Il retrouve rapidement un nouvel emploi dans la même ville. Il
redémarre à zéro, un peu moins payé. Surtout ses nouveaux horaires
compliquent la vie de famille. Du coup, sa femme et lui décident
qu'il vaut mieux qu'elle ne reprenne pas le travail aux trois ans
de leur enfant.
Comment payer l'appartement ? Naturellement, Georges et Micheline
proposent de les aider. Ils touchent 1400 euros de retraite à eux
deux. Ils sont propriétaires de leur maison et ont eu, dès
l'enfance, l'habitude de vivre "avec presque rien". Marqués par la
tristesse dans les yeux de leur petit-fils quand son père était à
l'hôpital, ils trouvent qu'il faut laisser à la famille le temps de
souffler. Aussi, ils proposent de verser 500 euros par mois pendant
deux ans.
Au bout des deux ans, leur belle-fille cherche à retrouver un
travail. Elle n'a pas droit au chômage. Elle ne trouve que des
petits boulots de temps en temps qui compensent à peine les frais
de garde qu'ils occasionnent. Alors Georges et Micheline continuent
à verser 500 euros par mois.
Et ça fait cinq ans que ça dure. Ils n'en parlent à personne, mais
ça les mine. Leur fils vient les voir régulièrement, une gêne s'est
installée entre eux, bien qu'il n'y soit pour rien. Leurs autres
enfants ne savent pas que l'aide temporaire est devenue permanente.
Si Georges m'en a parlé hier soir, pour la première fois, c'est
parce que bien que proche de lui, je ne fais pas partie de la
famille.
Scène ordinaire de la vie en France après cinq ans de gouvernement
Raffarin-Sarkozy puis Villepin-Sarkozy.