Samedi dernier à la gare, nous étions
une quinzaine de personnes à faire la queue. En face de nous sept
ou huit guichets ouverts. Bref, pas de quoi fouetter un chat :
assez rapidement, je me retrouve au début de la file. Alors qu'il
ne restait plus qu'une personne devant moi, une femme se présente
avec un enfant dans un couffin. Elle demande poliment à la personne
en tête de file si elle peut passer. Derrière moi un couple. La
femme lance à la cantonade : « Quel sans gêne ! Pas étonnant, c'est
une étrangère....»
Je n'ai pas pu me retenir, je lui réponds : « Comment le
savez-vous, vous lui avez demandé ses papiers ? ».
- Ça se voit, pas besoin de papiers. En plus vous les
soutenez ?
- Je ne vois pas pourquoi vous vous en prenez aux étrangers quand
une femme passe devant vous et que vous ne connaissez pas sa
nationalité.
J'ajoute que c'est facile de s'en prendre aux étrangers, mais que
quand il s'agit de gueuler contre les patrons, il n'y a plus
personne. Elle n'a pas su quoi répondre, alors son mari est
venu à la rescousse :
- Mais des patrons, il y en a des bons, j'en
connais...
- Les bons ils crèvent. Comme personne ne dit rien, ce sont les
mauvais qui prennent le dessus...
Les gens derrière commençaient à rigoler parce qu'on s'engueulait
alors que c'était mon tour de passer. Dommage, j'aurais bien aimé
continuer. En fait, plusieurs jours après je suis encore frustré de
ne pas avoir pu leur balancer tout ce que j'ai sur le cœur.
J'espère seulement les avoir renvoyé à leur lâcheté.
Nous sommes à la fin d'un cycle : le développement de la xénophobie
est un moyen pour les capitalistes de préserver leurs acquis et ils
ne se privent pas de l'utiliser. Tout est fait, à commencer par les
journaux télévisés, pour monter les gens les uns contre les autres.
Comme ils ont annoncé la fin de l'histoire, ils sont prêt à tout, y
compris à nous faire revenir aux années 30, pour empêcher qu'elle
reprenne son cours.
Pendant ce temps-là, les gogos ne revendiquent pas. Pendant ce
temps-là, ils laissent leurs gosses se faire exploiter par des
bons français sous prétexte que maintenant c'est comme ça
et qu'on ne peut pas faire autrement. Pauvres cons. Voient même pas
que les démagogues qui parlent de serrer la vis aux étrangers
originaires des pays pauvres (pas les autres, hein, bien sûr) sont
ceux-là
même qui créent les conditions pour que l'émigration de
quelques-uns soit le seul moyen de faire vivre des familles
entières.
Dans la cité HLM où j'habite, de nombreuses nationalités et toutes
les couleurs de peaux sont représentées. Dans les familles, il
arrive de plus en plus souvent que certains aient la nationalité
française et d'autre pas. Les gens se disent bonjour, se cotoient,
se rendent des services. Ce n'est pas le rêve, il arrive souvent
que des chiens pissent dans l'ascenseur. Ou que l'eau soit coupée à
l'heure de préparer les enfants pour l'école. Ou que des gamins
tournent des heures sur des motos miniatures et néanmoins
bruyantes. Mais je me sens bien ici.
La mentalité » petit blanc « existe sûrement dans la cité, mais je
ne l'ai pas encore rencontrée. Par contre, il y a une prise de
conscience des enjeux de la prochaine élection. J'espère que cette
prise de conscience se traduira par une participation massive de
celles et ceux de mes voisins qui ont le droit de vote.
Contrairement aux habitants des camps retranchés pour «
pseudo-classes-moyennes » ceux des cités savent ce qui les
attend si la France devient la Sarkozie.