septembre 26, 2006 Archives

mardi 26 septembre 2006 23:06

J'étais étranger et vous m'avez accueilli

Samedi dernier à la gare, nous étions une quinzaine de personnes à faire la queue. En face de nous sept ou huit guichets ouverts. Bref, pas de quoi fouetter un chat : assez rapidement, je me retrouve au début de la file. Alors qu'il ne restait plus qu'une personne devant moi, une femme se présente avec un enfant dans un couffin. Elle demande poliment à la personne en tête de file si elle peut passer. Derrière moi un couple. La femme lance à la cantonade : « Quel sans gêne ! Pas étonnant, c'est une étrangère....»

Je n'ai pas pu me retenir, je lui réponds : « Comment le savez-vous, vous lui avez demandé ses papiers ? ».

- Ça se voit, pas besoin de papiers. En plus vous les soutenez ?
- Je ne vois pas pourquoi vous vous en prenez aux étrangers quand une femme passe devant vous et que vous ne connaissez pas sa nationalité.


J'ajoute que c'est facile de s'en prendre aux étrangers, mais que quand il s'agit de gueuler contre les patrons, il n'y a plus personne. Elle n'a pas su quoi répondre, alors son mari est venu à la rescousse :

- Mais des patrons, il y en a des bons, j'en connais...
- Les bons ils crèvent. Comme personne ne dit rien, ce sont les mauvais qui prennent le dessus...


Les gens derrière commençaient à rigoler parce qu'on s'engueulait alors que c'était mon tour de passer. Dommage, j'aurais bien aimé continuer. En fait, plusieurs jours après je suis encore frustré de ne pas avoir pu leur balancer tout ce que j'ai sur le cœur. J'espère seulement les avoir renvoyé à leur lâcheté.

Nous sommes à la fin d'un cycle : le développement de la xénophobie est un moyen pour les capitalistes de préserver leurs acquis et ils ne se privent pas de l'utiliser. Tout est fait, à commencer par les journaux télévisés, pour monter les gens les uns contre les autres. Comme ils ont annoncé la fin de l'histoire, ils sont prêt à tout, y compris à nous faire revenir aux années 30, pour empêcher qu'elle reprenne son cours.

Pendant ce temps-là, les gogos ne revendiquent pas. Pendant ce temps-là, ils laissent leurs gosses se faire exploiter par des bons français sous prétexte que maintenant c'est comme ça et qu'on ne peut pas faire autrement. Pauvres cons. Voient même pas que les démagogues qui parlent de serrer la vis aux étrangers originaires des pays pauvres (pas les autres, hein, bien sûr) sont ceux-là même qui créent les conditions pour que l'émigration de quelques-uns soit le seul moyen de faire vivre des familles entières.

Dans la cité HLM où j'habite, de nombreuses nationalités et toutes les couleurs de peaux sont représentées. Dans les familles, il arrive de plus en plus souvent que certains aient la nationalité française et d'autre pas. Les gens se disent bonjour, se cotoient, se rendent des services. Ce n'est pas le rêve, il arrive souvent que des chiens pissent dans l'ascenseur. Ou que l'eau soit coupée à l'heure de préparer les enfants pour l'école. Ou que des gamins tournent des heures sur des motos miniatures et néanmoins bruyantes. Mais je me sens bien ici.

La mentalité » petit blanc « existe sûrement dans la cité, mais je ne l'ai pas encore rencontrée. Par contre, il y a une prise de conscience des enjeux de la prochaine élection. J'espère que cette prise de conscience se traduira par une participation massive de celles et ceux de mes voisins qui ont le droit de vote. Contrairement aux habitants des camps retranchés pour « pseudo-classes-moyennes » ceux des cités savent ce qui les attend si la France devient la Sarkozie.

Posted by Jean Ploi | Permanent Link | Categories: salariat