août 2006 Archives
dimanche 27 août 2006 23:57
Femmes noires au service de la personne blanche
Les aides à domicile à temps partagé, salariées d'une association, sont mensualisées depuis trois ans. C'est un progrès, mais il y a des inconvénients. Surtout quand on perd un « client » : ça arrive régulièrement avec les personnes agées. Un jour ou l'autre, elles partent en maison de retraite. Mais le plus souvent, c'est qu'elles n'ont plus les moyens de payer : quatorze euros de l'heure, ce n'est pas donné. Quand ça arrive, l'association trouve le plus souvent de nouveaux « clients » pour maintenir le nombre d'heures. Mais c'est en périphérie, alors que la personne âgée habitait en ville. D'où l'allongement des trajets en bus.
Avant la mensualisation, l'aide à domicile avait le choix : elle prenait ou pas les nouveaux « clients ». Le salaire variait de mois en mois en fonction des heures travaillées. Maintenant, il est calculé sur la base d'un nombre d'heures moyen. La régularisation, en plus ou en moins est faite au bout du trimestre. Si vous avez travaillé plus, l'association employeuse ne se plaint pas, on s'en doute. Par contre, si vous ne faites pas le nombre d'heures pour lequel vous êtes payée, elle n'aime pas ça du tout. D'où son insistance à vous faire accepter deux heures de repassage, même si elles vous contraignent à faire deux heures de trajet.
Si vous tenez, Mesdames les Aides à Domicile, c'est parce que vous avez besoin d'un salaire, bien sûr. Mais bon nombre d'entre vous, ont une autre raison. Faire le ménage chez les particuliers, quand on est femme et quand on est africaine, c'est presque une fatalité. Même si ce n'est pas une vocation.
Et ce n'est pas prêt de changer : au pays, dans votre famille, vous avez laissé un ou plusieurs enfants. Et vous êtes prêtes à tout supporter, tout sacrifier, pour les faire venir auprès de vous. Et votre employeur le sait.
D'abord, vous devez avoir une situation stable : être au chômage, ça ne fait pas vraiment bien dans le dossier. Et bien sûr, il faut mettre de l'argent de côté. Pourtant de l'argent, vous devez en envoyer chaque mois. Rien que les frais d'envoi de cinquante euros vous sont facturés dix euros par Western Union. Soit une heure et demie de votre salaire net. Et en plus de votre envoi mensuel, il faut assurer aussi quand un des enfants tombe malade, ou la grand-mère à qui ils sont confiés. La famille, là-bas, peut d'ailleurs être tentée de grossir un peu les petits bobos. À cinq mille kilomètres comment vérifier ? Vous ne leur en voulez pas. C'est votre famille. Vous savez ce que c'est que de manquer de tout. C'est justement pour ça que vous êtes partie. Mais c'est une raison supplémentaire, s'il en était besoin, pour faire venir les enfants le plus rapidement possible.
Alors demain sans vous plaindre, vous retournerez nettoyer les toilettes des Blancs. Et vous endormir dans des bus surchauffés que vous aurez attendus dans le froid. À un arrêt, vous croiserez peut-être une compatriote et vous échangerez quelques mots en wolof ou en ewondo : « Ça y est, tu as déposé le dossier ? »
Mères africaines, sans vous et votre détermination, que deviendraient les associations d'aide à domicile ? Et, surtout, surtout, que deviendraient les beaux discours des hommes politiques sur les services à la personne ?
mercredi 23 août 2006 22:39
Qui veut faire taire les chômeurs ?
Sa « faute » ? Ne pas avoir supprimé immédiatement le message qu'un internaute avait laissé sur un forum d'Actuchomage. Alors que plusieurs ANPE avaient brûlé, cet internaute, salarié de l'ANPE, mais révolté (il y a de quoi) de devenir de plus en plus « Radiateur » du fait des directives gouvernementales, s'était laissé aller :
- à écrire qu'il restait des Agences Locales
- à donner l'adresse de celle où il travaillait
Qui sont les incitateurs ?
Ce message était excessivement dangereux : comme chacun sait les adresses des ANPE sont top-secret. Et les droits des chômeurs sont tellement bien respectés dans notre pays que personne, au grand jamais, ne pourrait avoir l'idée de dégrader volontairement les bâtiments dans lesquels gouvernement a donné l'ordre et les moyens de les écouter, de les accompagner, de répondre à leurs attentes et de respecter leurs choix quoiqu'il arrive.
Sans ces quelques lignes visibles quelques heures au détour d'un forum, personne, au grand jamais, n'aurait pu avoir l'idée de prolonger la révolte des banlieues. La déclaration à l'emporte-pièce d'un parlementaire UMP selon lequel « Être payés à ne rien faire, voilà ce qui les intéresse, les chômeurs ! » c'était comme le trait d'esprit de son patron à propos du Karcher et de la « racaille » : seulement dans le but de susciter la concorde et l'harmonie.
Qui sont les auteurs ?
Ironie mise à part, on ne sait pas qui étaient les incendiaires : des énervés, des provocateurs, des employeurs déçus de n'avoir pas trouvé quelqu'un à faire travailler dix heures par jour en n'en payant que sept ? Incendier des perceptions, des URSSAF, tirer sur des inspecteurs du travail, ce ne sont pas vraiment des méthodes habituelles aux demandeurs d'emploi. D'abord parce que les complications administratives consécutives aux pertes de dossiers et à la fermeture des bureaux retombent sur eux.
En fait, les quelques lignes en question risquaient d'autant moins d'inciter à quoique ce soit, que le site sur lesquelles elles se trouvaient est un modèle de sérieux et de modération, ouvrant ses pages à des opinions diverses. Pas le genre de site que fréquentent les excités, ni les amateurs de sensations fortes.
« Cherche du boulot et ferme ta gueule »
Comme les Chômeurs Rebelles à Marseille, le site Actuchomage dérange. Parce qu'il a été construit et qu'il est géré par des chômeurs. C'est insupportable pour les prétendus libéraux. Pour eux, le seul droit du chômeur c'est de chercher du boulot (pas du salaire, hein, faut pas pousser). S'exprimer, interpeller la société en tant que chômeur, c'est risquer de foutre en l'air le consensus déjà bien mité selon lequel le marché est le système le mieux à même d'assurer une allocation maximale des ressources. Ce mythe ne peut perdurer qu'à condition de réduire au silence ceux qui voudraient bien produire mais à qui on l'interdit.
Il faut nous rassembler autour d'Yves Barraud et de l'équipe d'Actuchomage. Non seulement parce qu'honnêtes, responsables et courageux, ils sont poursuivis à tort, mais aussi pour défendre notre liberté d'expression et le droit pour les chômeurs, comme pour tout citoyen, d'interpeller la société et de chercher à la rendre plus humaine.
samedi 19 août 2006 14:51
Intérim quand tu nous tiendras...
Haute valeur ajoutée
Mais faisons confiance aux ETT, elles savent qu'il y a beaucoup d'argent à faire sur les recrutements permanents. Et la perspective de faire de l'argent, il n'y a rien de tel pour susciter des petits accords entre amis. Associations avec des cabinets spécialisés dans les plans sociaux ou les missions de reclassement qui s'ensuivent, rachat de cabinets de conseil en ressources humaines, création de filiales ETTI (entreprises de travail temporaire d'insertion), tout est bon pour élargir le champ d'action des fournisseurs occasionnels de main d'œuvre. ADECCO, présente ainsi le rachat d'ALTEDIA, la société de Raymond Soubie (l'ex-conseiller social de Raymond Barre) :
"Ce partenariat avec Altedia et ses fondateurs est une occasion unique d'étendre le leadership d'Adecco dans le domaine à haute valeur ajoutée du conseil RH," a déclaré Jérôme Caille, CEO du groupe Adecco. "En alliant la puissance de LHH, la division mondiale de services en gestion de carrières d'Adecco, avec l'approche unique d'Altedia dans le conseil en RH amont et l'expertise de son équipe de direction, nous créons une nouvelle plate-forme de croissance en Europe pour accompagner nos clients dans leurs challenges en matière de productivité et de ressources humaines."
Lire
le communiqué en entier
Le recrutement, pierre angulaire du conseil RH, peut effectivement
se révéler un domaine à haute valeur ajoutée. Et le service public
de l'emploi n'est pas un concurrent, bien au contraire : il
travaille pour les agences d'intérim. Celles-ci se fatiguent de
moins en moins à chercher dans leurs propres fichiers. C'est
beaucoup plus simple de diffuser une offre sur le site de l'ANPE et
de voir venir. Et puis c'est gratuit. Même pour un recrutement en
CDI.
Par contre pour l'entreprise utilisatrice, c'est tout sauf gratuit.
Malgré la concurrence que les agences se font entre elles, le
« coefficient multiplicateur » varie peu. Même dans le
cas où l'ETT n'a pas à s'occuper du recrutement, mais seulement de
l'établissement des contrats et des bulletins de salaire, elle
facture à son client quasiment deux fois le salaire brut de
l'intérimaire. Et ce cas n'est pas exceptionnel : il arrive
souvent que l'entreprise utilisatrice connaisse déjà le salarié,
mais le renvoie elle-même vers l'ETT.
Facturer 200 % du salaire brut, quand les cotisations, les congés
payés et les indemnités de fin de mission représentent à tout
casser 60% de ce même salaire brut, ça laisse quand même 40% pour
l'ETT, soit une marge sur facture de 20%. Soit l'équivalent de la
moitié du salaire net du travailleur temporaire. Pas
mal !
Rabattage vers l'intérim
Dans certains cas bien particuliers, des salariés peuvent trouver
avantage à travailler en intérim. Particulièrement les titulaires
de qualifications très pointues qui peuvent à la limite gérer leur
temps, changer de lieu de travail à peu près quand ils en ont
envie, etc. Mais la plupart des intérimaires, au bout d'un an ou
deux au maximum, ne rêvent que de sortir de ce système. Tant pis
pour eux, le gouvernement a mis en place le Harcèlement Mensuel
Obligatoire (connu aussi sous le nom de Suivi Mensuel Personnalisé)
qui les contraint à rencontrer un conseiller ANPE chaque mois.
Conseiller qui leur remettra obligatoirement des offres d'emploi,
ou plus exactement des offres... de travail temporaire,
puisqu'elles représentent aujourd'hui l'essentiel des propositions
publiées par l'ANPE pour les ouvriers. La boucle est bouclée et les
actionnaires d'Adecco se frottent les mains. Quand on vous dit que
l'affaire est juteuse...
A contrario, il ne faut pas attendre des ETT, qu'elles informent
les intérimaires de leurs droits. Le Code du Travail prévoit par
exemple que pour être travailleur temporaire on en est pas moins
concerné par le droit à la formation. Un organisme, le Fonds
d'Assurance Formation du Travail Temporaire, collecte les
cotisations versées au titre du Congé Individuel de Formation (CIF)
à charge pour lui de financer des formations pour les personnes
ayant totalisé plus de 1.600 heures en intérim dans les 18 mois
précédents. À charge pour l'agence de travail temporaire d'informer
individuellement, dès la première mission, chaque travailleur
temporaire. Ce n'est quasiment jamais fait. Force doit rester à la
loi, sauf si elle évoque les droits des travailleurs.
Dérapage mal contrôlé
Le filon est tellement juteux qu'il arrive que certains
franchissent carrément la ligne jaune de la légalité. En 2002, un
industriel de l'Est de la France avait monté en son nom une petite
agence d'intérim pour fournir ses propres ateliers. On n'est jamais
si bien servi que par soi-même. Or c'est rigoureusement interdit.
Le Code du Travail assimile cette pratique au marchandage de main
d'œuvre et la réprime par une peine de prison. Pas
d'inquiétude, les Procureurs répugnent à poursuivre les infractions
au Code du Travail, en prétextant le plus souvent que les salariés
n'ont qu'à s'adresser aux Prud'hommes. L'industriel en question a
eu tout le temps de s'organiser pour refiler la responsabilité de
l'agence d'intérim à un proche et régulariser la situation. L'État
de droit doit triompher dans les cités HLM, mais pas forcément dans
les affaires.
Fondamentalisme thatchérien
Où s'arrêteront les entreprises de travail temporaires ? Après
avoir fait du service public de l'emploi un sous-traitant à titre
gracieux, auront-elles encore intérêt à le phagocyter ? La
question reste posée. Mais la raison économique n'est pas le seul
facteur à prendre en compte. Les fondamentalistes thatchériens
continuent de trouver scandaleux que l'État intervienne sur le
marché du travail autrement que pour compter les chômeurs. Selon
eux, la mise en relation entre l'offre et la demande, le placement
devrait relever du privé. Parce que le privé c'est mieux toujours
et partout et dans les siècles des siècles.
Un scenario à l'anglaise n'est donc pas à exclure, où l'on verrait
quelques grands groupes externaliser leur service ressource humaine
auprès d'une Big Company - pourquoi pas Adecco ? - laquelle
pourrait obtenir du gouvernement et/ou de l'Unédic la mission de
placer les chômeurs les plus « employables ». Justement
le profilage des chômeurs et leur répartition en
différents
parcours seront mis en œuvre dès cet automne. Il deviendra
enfin possible de facturer deux fois la même opération : le
recrutement et le placement étant les deux faces du même processus,
la Big RH Company pourra se faire payer à la fois par le recruteur
et par la collectivité.
Quand le CEO d'Adecco parlait d'activité à haute valeur ajoutée, il
ne se vantait pas.
vendredi 18 août 2006 18:22
Mine de Morila : 9 syndicalistes en prison depuis presque un an
Le site www.soutienmorila.info nous donne des nouvelles : les 9 syndicalistes sont toujours en prison. Il faut rappeler les circonstances de leur arrestation :
Le 14 septembre 2005, à 3h50 du matin, deux bus loués par la Somadex et garés à une dizaine de mètres de la gendarmerie de Sanso brûlent. Cet incident se produit alors qu'un conflit oppose depuis plusieurs mois le comité syndical et la direction de la Somadex qui exploite la mine de Morila.
Le point d'orgue de ce conflit est une grève de 72h intervenue début juillet 2005. Pendant tout l'été, le dialogue reste bloqué, en dépit des tentatives de médiation des centrales syndicales et des autorités politiques et administratives maliennes. 311 des quelque 500 employés refusent de reprendre le travail et les tensions qui existent entre les grévistes, les non grévistes et la direction gagnent le village mitoyen de Sanso où résident les travailleurs de la mine.
Dans les heures qui suivent l'incendie, les gendarmes procèdent à 32 interpellations pour complicité d'incendie volontaire. Tous les inculpés sont des anciens grévistes, qui déclarent tous leur innocence... [lire la suite]
La photo ci-dessous montre la mine d'or de Morila. Cliquer sur cette photo permettra d'en savoir plus sur les tenants et aboutissants de ce conflit en accédant au site Morila en lutte

Envoyer des provocateurs allumer un incendie pour accuser ensuite les meneurs de la grève d'en être les auteurs est un grand classique. Quand le patron paie directement les gendarmes, il met tous les atouts de son côté :
Par ailleurs, les liens entre la gendarmerie et la Somadex sont pour le moins troublants. Dans le cadre du financement des communautés locales dans lesquelles elle est implantée, Morila S.A (entreprise pour laquelle la Somadex sous-traite l'extraction du minerai) subventionne les salaires des gendarmes de Sanso. Et les gendarmes reconnaissent, dans la description contextuelle de leur enquête, qu'ils avaient reçu peu de temps auparavant une liste d'une trentaine de « meneurs principaux » du mouvement de contestation à surveiller étroitement. Cette liste leur avait été fournie par la direction des ressources humaines de la Somadex...
Auditionnés par le juge de paix du tribunal de Bougouni, 23 des 32 inculpés sont mis en liberté provisoire après un mois et six jours de détention préventive. Selon les neuf autres inculpés, leur maintien en détention s'expliquent par leur réputation de leaders du mouvement de contestation. Ainsi, Mamadou Sogoba était chargé de l'affichage des tracts syndicaux ; Adama Troaré accueillait chez lui les rencontres du comité syndical ; Karim Guindo est secrétaire administratif du comité syndical mais a déclaré ne pas avoir été présent à Sanso le jour de l'incendie ; Oumar Touré, ancien mineur licencié par l'entreprise, est resté proche du comité syndical.
Une prise de position qui vaut son pesant d'or malien : la réponse de Bouygues à l'interrogation d'une internaute sur cette affaire en novembre dernier.
Question : le ministre français de l'Intérieur, grand ami de Martin Bouygues qui ne ménage pas ses efforts pour favoriser l'accès de son protégé à la présidence de la république, a fait il y a quelques semaines un voyage au Mali. Quelqu'un l'a-t-il entendu dénoncer cette saloperie ?
Sinon, est-ce parce qu'il est trop occupé à expulser des Maliens de France pour fournir de la main d'œuvre à la Somadex et remplacer ses 300 ex-salariés licenciés pour faits de grève ?
lundi 14 août 2006 22:35
Pars ! Cours reprendre le boulot !
Le parcours. Pars, cours chercher du boulot ! Pars [en] courant avant que je te radie. Pas [de] recours : tu iras bosser dans le bâtiment ou la restauration.
De quoi s'agit-il ? En quelques mots de trier les nouveaux chômeurs en fonction du risque de chômage de longue durée. En partant du principe qu'une femme, âgée de plus de cinquante ans et de nationalité étrangère présente plus de risque qu'un jeune français de 35 ans. La démarche typique des assureurs.
Le tri sera assuré par la machine, après que l'agent assédic aura coché toutes les cases correspondant à la situation du demandeur d'emploi. Un peu comme quand on remplit le questionnaire psycho de Femme Actuelle. D'abord on coche, ensuite on à la réponse.
Sauf que là il ne s'agit pas de tuer le temps sur la plage, mais de décider de la façon dont sera « mené » le demandeur d'emploi. Mené est le terme qui convient puisqu'il s'agit de le conduire sur un parcours de recherche d'emploi.
Si la machine décide que vous êtes bon pour le service, ça ne fait pas un pli, vous êtes affecté au parcours du combattant sans attendre. Et que ça saute ! On vous remet votre paquetage d'offres d'emploi, enfin d'offres de travail temporaire. Et vous avez intérêt à y aller. Comment ça, tu voulais justement en sortir du BTP ? Pas question, la patrie (enfin les patrons) ont besoin de toi ! Tu crois qu'on te verse des allocs pour avoir des états d'âme ? On, dé... Et surtout ne flâne pas sous prétexte que tu veux trouver un salaire correct !
Si la machine vous marque au fer rouge des cas difficiles (vous êtes femme, âgée de plus de cinquante ans et pas française), vous ferez l'objet d'un traitement spécial à base d'accompagnement renforcé, de placement sur des emplois dits d'insertion, ces emplois qui rapportent deux fois puisqu'ils sont subventionnés par l'État et payés par les clients. Et si vous êtes bien sage et surtout s'il reste des sous, vous pourrez peut-être même faire un stage.
Outre les critères d'âge, de nationalité et de sexe, le fait d'être débutant ou expérimenté, le nombre d'offres d'emploi dans le métier recherché serviront de base au classement dans les différents parcours. On n'a pas fini de s'interroger sur la pertinence de trier a priori les gens sur leur nationalité, par exemple. Paraît que c'est pour la bonne cause. Voire. Les bonnes causes sont parfois comme le vent, elles peuvent changer de sens.
Cette démarche, qui se veut pragmatique, n'a pas fini de compliquer la vie des chômeuses et des chômeurs et accessoirement celles des grouillots de base des institutions chargées de les recevoir : « Comment Monsieur, on veut vous embaucher sur ce poste ? Désolé, vous n'êtes pas sur le bon parcours. Enfin, bon, ne pleurez pas, peut-être que ça peut s'arranger, mais faut que j'aille demander la permission au directeur. » Bureaucratie quand tu nous tiens. Paraît qu'une superpuissance en est morte, mais je m'égare.
C'est si difficile de faire confiance aux gens ? Confiance au dialogue entre un demandeur d'emploi qui vient exprimer son besoin et un agent qui à force d'inscrire une par une des centaines de personnes chaque année sur les listes a des chances de pouvoir apprécier, conseiller, et même parfois trouver avec la personne des solutions ? Les institutions du chômage au service des chômeurs, comme des outils à leur disposition. Après tout, les chômeurs sont des contribuables, au moins par les impôts indirects. Et avant d'être indemnisés par l'Assédic, pour ceux qui le sont, ils ont cotisé.
Et si certains n'utilisent pas les outils ? Alors il faut sans doute se demander pourquoi. Pourquoi reprendre du travail n'est objectivement pas intéressant. Et y remédier. En commençant par augmenter les salaires.
Le chômage et la pauvreté sont l'envers du capitalisme, son talon d'Achille. Seul l'aveuglement idéologique peut faire croire que la solution à ce problème réside dans un traitement plus « musclé » des demandeurs d'emploi. Ce ne sont pas les chômeurs qui posent problèmes, ce sont les emplois.
mercredi 09 août 2006 23:14
Où sont passées les formations pour les chômeurs ?
Au début des années 90 encore, les possibilités pour les chômeurs d'accéder à de bonnes formations (les stages qualifiants) étaient réelles. Parmi les salariés d'aujourd'hui, du privé comme du public, nombreux sont ceux qui dans ces années-là on pu mettre à profit une période de chômage pour se reconvertir. La formation qualifiante était vécue à la fois comme un droit pour les chômeurs et comme un investissement pour la société.
Petit à petit, les choses ont commencé à se gâter. Comme d'habitude, les plus faibles ont été les premiers à essuyer les coupes budgétaires. Les stages d'alphabétisation, dont les femmes des familles immigrées étaient les principales bénéficiaires, ont fondu comme neige au soleil. Pour être remplacés le plus souvent par des actions de formation à temps partiel et de très courte durée. Non rémunérées, bien évidemment il ne fallait plus donner aux femmes immigrées l'occasion de gagner quelques sous sans faire en contre-partie le ménage dans nos bureaux.
Ensuite ce sont les stages réservés aux chômeurs les plus en difficultés et financés par l'État qui furent atteint du syndrôme de la peau de chagrin. Leur nombre diminua et leur durée aussi. Dans les derniers temps (il faut parler d'eux au passé, puisqu'ils ont complètement disparu) ils avaient du mal à dépasser les trois mois. Autant dire qu'à part le permis poids lourd, ils ne pouvaient plus servir à grand chose en terme d'accès direct à l'emploi. Malgré tout, à cette époque des stages de moins de trois mois, à la disposition directe de l'ANPE, permettaient encore de financer une licence cariste par exemple.
Aujourd'hui le paysage est simple, désolé, pourrions nous dire. Depuis que l'État s'est complètement dégagé du financement de la formation pour les demandeurs d'emploi, il ne reste plus que l'Assédic, d'une part, et le Conseil Régional, d'autre part comme financeur. L'Assédic ne finance que pour ses allocataires, soit moins de la moitié des chômeurs. Par la force des choses, le Conseil Régional reste la seule possibilité pour les chômeurs non indemnisés.
La politique de ces deux institutions est de plus en plus convergente : financer des formations là où les employeurs se plaignent de manquer de personnel. Exit le droit à la formation, bonjour l'adaptation de la main d'œuvre disponible aux « besoins des entreprises ». Exit les qualifications, références des conventions collectives, bonjour les « compétences » reconnues au cas par cas par l'employeur et perpétuellement remises en cause.
Bizarrement les changements de majorité récents dans la plupart des Conseils Régionaux ne se sont pas traduits par une inflexion significative quant à cette politique. Une conception étriquée, utilitariste de la formation des demandeurs d'emploi prédomine toujours. Et les organisations patronales ont toujours la haute main sur cette question, stratégique pour elles. On remarquera au passage que les anciens marxistes ne manquent pas parmi les spécialistes de la formation, y compris dans les organisations patronales. Tout à fait au courant des enjeux, mais ayant retourné leur veste, ils suivent l'air du temps.
Bien sûr, un demandeur d'emploi qui expose son projet de préparer tel ou tel diplôme pour affronter le marché de l'emploi dans de meilleures conditions, se verra rarement exposer tout ce qui précède. Par contre, il s'entendra répondre que son projet n'est pas réaliste, qu'il n'a pas vraiment cherché à savoir s'il y avait du travail dans ce secteur. Qu'il ne se rend pas compte de la difficulté... Personne n'aura vraiment le courage de lui expliquer que les fonds pour la formation ont diminué et que les employeurs font la pluie et le beau temps, y compris avec son argent.
Au final, il rentrera chez lui déçu, se demandant ce que signifie le droit à la formation. Il comprendra qu'il n'a pas d'autre choix que de rentrer dans le rang et de solliciter avec cinquante autres la mission d'intérim ou le CDD de manutentionnaire qui sera proposé le lendemain.
Quel gâchis !
dimanche 06 août 2006 12:45
Retirons un peu de pouvoir aux hommes d'affaires
Ils reprochent à l'homme d'affaires qui a racheté l'entreprise aux fondateurs voici deux ans d'avoir organisé la faillite et la perte de 70 emplois.
Il faut dire que cet homme d'affaires n'en est pas à son coup d'essai : la « reprise » de l'entreprise CEN (Constructions Électriques Nancéennes) lui avait déjà permis de réaliser une juteuse opération immobilière. Puis de mettre les salariés au chômage quelques mois plus tard.
Au fil des semaines, les soupçons des salariés de MALORA sont confirmés : la gestion apparemment incohérente du repreneur n'était pas un hasard. Les terrains appartenant à l'entreprise, situés en zone péri-urbaine, faisaient l'objet de projets immobiliers très précis.
Que certains hommes d'affaires ne fassent pas de sentiments, ce n'est pas nouveau. Leur métier, c'est de faire des affaires.
Ce qui n'est pas normal, c'est que ces prédateurs trouvent des appuis politiques. Je ne parle pas ici de corruption, bien qu'elle existe, mais de collusion. En effet, certains « responsables » politiques sont prêts à tout leur céder, prétendument pour « sauver l'emploi ». L'emploi a bon dos et on voit le résultat.
Quelque part, nous sommes tous responsables de cette situation. En laissant un personnel politique (local ou national) beaucoup trop proche des milieux d'affaires se maintenir au pouvoir, nous laissons le champ libre à ces milieux d'affaires. À notre détriment, puisqu'un emploi industriel perdu est une perte pour la collectivité. Et accessoirement parce que nous payons entièrement le plan social.
Plutôt que de nous polariser en 2007 sur des questions accessoires, demandons-nous quels sont les candidats (à la présidentielle, mais aussi aux législatives) qui sont proches des milieux d'affaires. Nombreux sont celles et ceux, aujourd'hui, qui se demandent pour qui voter l'année prochaine. S'il ne devait y avoir qu'un seul critère, à mon avis, ce serait celui-là : « Madame, Monsieur, le candidat, quels sont vos rapports avec les milieux d'affaires ? »
Et dans l'immédiat : soutenons la lutte des MALORA !