Où sont passées les formations pour les chômeurs
?
Suivre une formation, c'est l'espoir
d'un très grand nombre de chômeurs. On comprend pourquoi : sur
la plupart des postes ne demandant pas de qualification
particulière, le nombre des candidatures est tel que les chances de
chacun sont très minces. Un diplôme d'aide soignante, un formation
de conducteur poids-lourd est la condition sine qua non pour
accéder au métier correspondant. Or accéder à l'un de ces métiers
est non seulement la chance de faire quelque chose de plus
intéressant, mais aussi d'évoluer sur un marché du travail moins
concurrentiel.
Au début des années 90 encore, les possibilités pour les chômeurs
d'accéder à de bonnes formations (les stages qualifiants) étaient
réelles. Parmi les salariés d'aujourd'hui, du privé comme du
public, nombreux sont ceux qui dans ces années-là on pu mettre à
profit une période de chômage pour se reconvertir. La formation
qualifiante était vécue à la fois comme un droit pour les chômeurs
et comme un investissement pour la société.
Petit à petit, les choses ont commencé à se gâter. Comme
d'habitude, les plus faibles ont été les premiers à essuyer les
coupes budgétaires. Les stages d'alphabétisation, dont les femmes
des familles immigrées étaient les principales bénéficiaires, ont
fondu comme neige au soleil. Pour être remplacés le plus souvent
par des actions de formation à temps partiel et de très courte
durée. Non rémunérées, bien évidemment il ne fallait plus
donner aux femmes immigrées l'occasion de gagner quelques sous sans
faire en contre-partie le ménage dans nos bureaux.
Ensuite ce sont les stages réservés aux chômeurs les plus en
difficultés et financés par l'État qui furent atteint du syndrôme
de la peau de chagrin. Leur nombre diminua et leur durée aussi.
Dans les derniers temps (il faut parler d'eux au passé, puisqu'ils
ont complètement disparu) ils avaient du mal à dépasser les trois
mois. Autant dire qu'à part le permis poids lourd, ils ne pouvaient
plus servir à grand chose en terme d'accès direct à l'emploi.
Malgré tout, à cette époque des stages de moins de trois mois, à la
disposition directe de l'ANPE, permettaient encore de financer une
licence cariste par exemple.
Aujourd'hui le paysage est simple, désolé, pourrions nous dire.
Depuis que l'État s'est complètement dégagé du financement de la
formation pour les demandeurs d'emploi, il ne reste plus que
l'Assédic, d'une part, et le Conseil Régional, d'autre part comme
financeur. L'Assédic ne finance que pour ses allocataires, soit
moins de la moitié des chômeurs. Par la force des choses, le
Conseil Régional reste la seule possibilité pour les chômeurs non
indemnisés.
La politique de ces deux institutions est de plus en plus
convergente : financer des formations là où les
employeurs se plaignent de manquer de personnel. Exit le droit
à la formation, bonjour l'adaptation de la main
d'œuvre disponible aux « besoins des
entreprises ». Exit les qualifications, références
des conventions collectives, bonjour les « compétences »
reconnues au cas par cas par l'employeur et perpétuellement remises
en cause.
Bizarrement les changements de majorité récents dans la plupart des
Conseils Régionaux ne se sont pas traduits par une inflexion
significative quant à cette politique. Une conception étriquée,
utilitariste de la formation des demandeurs d'emploi prédomine
toujours. Et les organisations patronales ont toujours la haute
main sur cette question, stratégique pour elles. On remarquera au
passage que les anciens marxistes ne manquent pas parmi les
spécialistes de la formation, y compris dans les organisations
patronales. Tout à fait au courant des enjeux, mais ayant retourné
leur veste, ils suivent l'air du temps.
Bien sûr, un demandeur d'emploi qui expose son projet de préparer
tel ou tel diplôme pour affronter le marché de l'emploi dans de
meilleures conditions, se verra rarement exposer tout ce qui
précède. Par contre, il s'entendra répondre que son projet n'est
pas réaliste, qu'il n'a pas vraiment cherché à savoir s'il
y avait du travail dans ce secteur. Qu'il ne se rend pas compte de
la difficulté... Personne n'aura vraiment le courage de lui
expliquer que les fonds pour la formation ont diminué et que les
employeurs font la pluie et le beau temps, y compris avec son
argent.
Au final, il rentrera chez lui déçu, se demandant ce que signifie
le droit à la formation. Il comprendra qu'il n'a pas d'autre choix
que de rentrer dans le rang et de solliciter avec cinquante autres
la mission d'intérim ou le CDD de manutentionnaire qui sera proposé
le lendemain.
Quel gâchis !