"Ce partenariat avec Altedia et ses fondateurs est une occasion unique d'étendre le leadership d'Adecco dans le domaine à haute valeur ajoutée du conseil RH," a déclaré Jérôme Caille, CEO du groupe Adecco. "En alliant la puissance de LHH, la division mondiale de services en gestion de carrières d'Adecco, avec l'approche unique d'Altedia dans le conseil en RH amont et l'expertise de son équipe de direction, nous créons une nouvelle plate-forme de croissance en Europe pour accompagner nos clients dans leurs challenges en matière de productivité et de ressources humaines."
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Le recrutement, pierre angulaire du conseil RH, peut effectivement
se révéler un domaine à haute valeur ajoutée. Et le service public
de l'emploi n'est pas un concurrent, bien au contraire : il
travaille pour les agences d'intérim. Celles-ci se fatiguent de
moins en moins à chercher dans leurs propres fichiers. C'est
beaucoup plus simple de diffuser une offre sur le site de l'ANPE et
de voir venir. Et puis c'est gratuit. Même pour un recrutement en
CDI.
Par contre pour l'entreprise utilisatrice, c'est tout sauf gratuit.
Malgré la concurrence que les agences se font entre elles, le
« coefficient multiplicateur » varie peu. Même dans le
cas où l'ETT n'a pas à s'occuper du recrutement, mais seulement de
l'établissement des contrats et des bulletins de salaire, elle
facture à son client quasiment deux fois le salaire brut de
l'intérimaire. Et ce cas n'est pas exceptionnel : il arrive
souvent que l'entreprise utilisatrice connaisse déjà le salarié,
mais le renvoie elle-même vers l'ETT.
Facturer 200 % du salaire brut, quand les cotisations, les congés
payés et les indemnités de fin de mission représentent à tout
casser 60% de ce même salaire brut, ça laisse quand même 40% pour
l'ETT, soit une marge sur facture de 20%. Soit l'équivalent de la
moitié du salaire net du travailleur temporaire. Pas
mal !
Rabattage vers l'intérim
Dans certains cas bien particuliers, des salariés peuvent trouver
avantage à travailler en intérim. Particulièrement les titulaires
de qualifications très pointues qui peuvent à la limite gérer leur
temps, changer de lieu de travail à peu près quand ils en ont
envie, etc. Mais la plupart des intérimaires, au bout d'un an ou
deux au maximum, ne rêvent que de sortir de ce système. Tant pis
pour eux, le gouvernement a mis en place le Harcèlement Mensuel
Obligatoire (connu aussi sous le nom de Suivi Mensuel Personnalisé)
qui les contraint à rencontrer un conseiller ANPE chaque mois.
Conseiller qui leur remettra obligatoirement des offres d'emploi,
ou plus exactement des offres... de travail temporaire,
puisqu'elles représentent aujourd'hui l'essentiel des propositions
publiées par l'ANPE pour les ouvriers. La boucle est bouclée et les
actionnaires d'Adecco se frottent les mains. Quand on vous dit que
l'affaire est juteuse...
A contrario, il ne faut pas attendre des ETT, qu'elles informent
les intérimaires de leurs droits. Le Code du Travail prévoit par
exemple que pour être travailleur temporaire on en est pas moins
concerné par le droit à la formation. Un organisme, le Fonds
d'Assurance Formation du Travail Temporaire, collecte les
cotisations versées au titre du Congé Individuel de Formation (CIF)
à charge pour lui de financer des formations pour les personnes
ayant totalisé plus de 1.600 heures en intérim dans les 18 mois
précédents. À charge pour l'agence de travail temporaire d'informer
individuellement, dès la première mission, chaque travailleur
temporaire. Ce n'est quasiment jamais fait. Force doit rester à la
loi, sauf si elle évoque les droits des travailleurs.
Dérapage mal contrôlé
Le filon est tellement juteux qu'il arrive que certains
franchissent carrément la ligne jaune de la légalité. En 2002, un
industriel de l'Est de la France avait monté en son nom une petite
agence d'intérim pour fournir ses propres ateliers. On n'est jamais
si bien servi que par soi-même. Or c'est rigoureusement interdit.
Le Code du Travail assimile cette pratique au marchandage de main
d'œuvre et la réprime par une peine de prison. Pas
d'inquiétude, les Procureurs répugnent à poursuivre les infractions
au Code du Travail, en prétextant le plus souvent que les salariés
n'ont qu'à s'adresser aux Prud'hommes. L'industriel en question a
eu tout le temps de s'organiser pour refiler la responsabilité de
l'agence d'intérim à un proche et régulariser la situation. L'État
de droit doit triompher dans les cités HLM, mais pas forcément dans
les affaires.
Fondamentalisme thatchérien
Où s'arrêteront les entreprises de travail temporaires ? Après
avoir fait du service public de l'emploi un sous-traitant à titre
gracieux, auront-elles encore intérêt à le phagocyter ? La
question reste posée. Mais la raison économique n'est pas le seul
facteur à prendre en compte. Les fondamentalistes thatchériens
continuent de trouver scandaleux que l'État intervienne sur le
marché du travail autrement que pour compter les chômeurs. Selon
eux, la mise en relation entre l'offre et la demande, le placement
devrait relever du privé. Parce que le privé c'est mieux toujours
et partout et dans les siècles des siècles.
Un scenario à l'anglaise n'est donc pas à exclure, où l'on verrait
quelques grands groupes externaliser leur service ressource humaine
auprès d'une Big Company - pourquoi pas Adecco ? - laquelle
pourrait obtenir du gouvernement et/ou de l'Unédic la mission de
placer les chômeurs les plus « employables ». Justement
le profilage des chômeurs et leur répartition en
différents
parcours seront mis en œuvre dès cet automne. Il deviendra
enfin possible de facturer deux fois la même opération : le
recrutement et le placement étant les deux faces du même processus,
la Big RH Company pourra se faire payer à la fois par le recruteur
et par la collectivité.
Quand le CEO d'Adecco parlait d'activité à haute valeur ajoutée, il
ne se vantait pas.