Dans le débat de l'entre-deux-tours, une phrase m'avait
frappé :
« je veux une France de propriétaires. »
Rien de nouveau à droite : le général Franco, par exemple, avait
parmi ses objectif que 100% des foyers espagnols soient
propriétaires de leur habitation.
Comment expliquer l'engouement bien réel pour l'accession à la
propriété ? L'idée selon laquelle les mensualités d'emprunt ne
sont pas plus élevées qu'un loyer pour un logement équivalent est
une idée généralement fausse :
Accession à la
propriété : des acquéreurs plus nombreux mais prudents Auteur :
Jean Boisvieux, Anil Economie et statistiques n°381-282 de
2005
Rares sont ceux qui ont pu financer l'acquisition sans
recourir à l'emprunt : ils ne représentent que 5 % de l'ensemble (6
% pour les ex-locataires du secteur privé et 3 % pour ceux du
locatif social). Pour les autres, l'accession à la propriété se
fait au prix d'une augmentation très significative de la dépense de
logement : la mensualité est en moyenne supérieure de 58 % pour les
ex-locataires du secteur social et de 45 % pour ceux du secteur
libre au loyer payé en 1997. Si besoin était, ce constat contredit
sans ambiguïté l'idée commune, fréquemment utilisée comme argument
de vente et intégrée par de nombreux ménages persuadés de payer un
loyer « à fonds perdus », selon laquelle il serait
possible d'« accéder à la propriété pour le prix d'un
loyer ».
Par ailleurs ces dernières années ont vu les durées d'emprunt
augmenter jusqu'à 25 ou 30 ans, ce qui est énorme.
En tous cas, la conception sarkozyste de l'identité nationale (une
France de propriétaires) a certainement trouvé un écho si l'on en
croit la
décomposition
du vote par tranche d'âges :
Sarkozy / Royal
- 18 à 24 ans 42% / 58%
- 25 à 34 ans 57% / 43%
- 35 à 44 ans 50% / 50%
- 45 à 59 ans 45% / 55%
- 60 à 69 ans 61% / 39%
- 70 et plus 68% / 32%
Sachant que l'âge moyen des accédants actuels à la propriété est de
35 ans et que la tranche d'âge 25-34 ans a reçu cinq sur cinq le
message sarkozien, on peut émettre l'hypothèse que les projets
actuels d'achat de maison ou d'appartements ont eu un rôle
important dans le choix des électeurs de cette tranche d'âge.
Au passage, on remarquera que les retraités sont souvent concernés
de près par les projets immobiliers de leurs enfants puisqu'ils
leur fournissent souvent une part significative de l'apport
personnel. Sans compter les coups de main en nature : pose des
tapisseries, plantation du jardin, etc.
Alors que 90% de la population active est salariée, il faut bien un
opium du peuple pour que la bourgeoisie conserve son pouvoir. Bien
plus que la Star-Ac et TF1, l'engouement du public pour l'accession
à la propriété a sans doute permis à la droite de conserver, cette
fois encore, les commandes.
Toutefois, si un krach immobilier se produit, comme on peut s'y
attendre, le réveil risque d'être douloureux : quand il faudra
continuer à rembourser les emprunts d'une habitation revendue (à
perte) pour cause de perte d'emploi, ça risque de faire mal.