septembre 02, 2006 Archives

samedi 02 septembre 2006 11:29

Bayrou fustige Sarkozy, l'homme des trusts.

François Bayrou a-t-il lu mon billet « Retirons un peu de pouvoir aux hommes d'affaires » ? Peu importe. La petite phrase du leader de l'UDF sur la connivence entre le candidat de l'UMP et les puissances de l'argent vaut la peine qu'on s'y attarde. Parce qu'il a dit la vérité, tout d'abord. Ensuite parce qu'il met le doigt sur le sens profond du sarkozysme : tromper la fraction des classes populaires pourvue du droit de vote en lui vendant, avec la complicité d'une partie des classes moyennes et supérieures, un ersatz de politique sécuritaire et une vraie politique xénophobe pour mieux la dépouiller de la Sécurité Sociale, de ce qui reste de sécurité de l'emploi, et plus généralement de l'ensemble des droits sociaux.

Le plus intéressant au fond est que Bayrou attaque sur ce terrain glissant pour lui, certains parlementaires et dirigeants UDF n'ayant rien à envier à l'UMP quant à la connivence avec les puissances de l'argent. S'il s'y risque, c'est peut-être qu'il a lu en détail les réponses au sondage mené par l'université du Maryland dans vingt pays à propos de l'économie de marché. L'affirmation « Les grandes entreprises ont trop d'influence sur notre gouvernement » recueille l'approbation de 86% des français. Ce n'est d'ailleurs pas une spécificité française puisque 85% des sondés aux États-Unis donnent la même réponse.

Toujours mettre les choses en perspective. Je vois mal comment on peut essayer de comprendre ce qui se passe aujourd'hui sans remonter à l'évênement majeur de ces cinquante dernières années. À savoir la victoire du capitalisme sur l'Union Soviétique, et les suites de cette victoire. Dans l'immédiat après-guerre-froide, la dénonciation du pouvoir de l'argent était ringardisée. Elle redevient aujourd'hui un argument de poids dans une campagne présidentielle. Et c'est tant mieux, puisque c'est effectivement une question de fond : le gouvernement du pays doit il être confié aux fondés de pouvoir de ceux qui gouvernent l'économie ? Quinze ans après 1991, le capitalisme est toujours aussi triomphant dans les faits, mais un peu moins dans les esprits. Tout spécialement dans les esprits de ceux qui ont à en souffrir, et ils sont nombreux.

En 1994, Jacques Chirac lançait « la feuille de paie n'est pas l'ennemie de l'emploi ». Ça pouvait passer pour une rupture avec le credo balladuro-sarkozien selon lequel la baisse des salaires et des cotisations sociales était le seul remède au chômage. Et on ne m'ôtera pas de l'idée que cette affirmation n'est pas pour rien dans son accession à l'Élysée, tant elle a donné à de nombreux salariés électeurs de droite, du centre, ou sans attaches politiques, l'impression qu'enfin un candidat de leur sensibilité pouvait passer à autre chose qu'à la satisfaction des revendications patronales. Évidemment il était hors de question pour Chirac de changer quoi que ce soit à la politique de l'emploi, et les électeurs en question se sont fait avoir.

Aujourd'hui, Bayrou tente de récupérer ce potentiel électoral (il évoque au passage le côté « humain » de Chirac, ce n'est pas par hasard), selon la même technique : lancer une phrase forte et vraie, que l'on attendait pas forcément dans sa bouche, pour rallier les couches salariées non politisées, ou proches de la droite et du centre. Quant à savoir si l'UDF peut elle-même se passer de connivence avec les puissances de l'argent, c'est une autre histoire. Mais il est des vérités qui sont bonnes à dire. Et à entendre.

Posted by Jean Ploi | Permanent Link | Categories: general