septembre 10, 2006 Archives

dimanche 10 septembre 2006 11:23

La priorité nationale ne fait guère bouillir la marmite

Pénurie de main d'œuvre : les patrons d'auto-école ont du mal à trouver des moniteurs ou des monitrices. C'est un beau métier, pourtant. Un métier utile surtout : apprendre les règles de la sécurité routière aux futurs conducteurs, ce n'est pas rien. Même avant que ladite sécurité routière ait été consacrée priorité nationale.

Une bonne idée pour se reconvertir ?



Devenir enseignant de la conduite, n'est a priori, pas insurmontable. L'examen d'entrée en formation est accessible au niveau Brevet des Collèges. Le diplôme de fin de formation (BEPECASER) , qui permet d'exercer, est homologué au niveau du bac. La formation, d'une durée de cinq mois, est intensive. Il faut s'accrocher, mais les groupes de stagiaires sont en général conviviaux (les examens d'entrée et de fin de formation ne sont pas des concours) et l'entraide est courante.

Pas, ou très rarement, de discrimination à l'embauche : les employeurs sont en général trop contents de trouver un titulaire du BEPECASER pour s'attarder sur son âge, son origine ethnique, son sexe, sa situation familiale ou son handicap.

Un métier dur mais pas dépourvu d'attraits



Les conditions de travail sont éprouvantes en ce sens que les leçons de conduite, qui représentent l'essentiel du travail, demandent une concentration constante sur la conduite de l'élève-conducteur, tout en gardant en permanence à l'esprit l'objectif de la leçon. Le moniteur parle toute la journée, pas forcément pour dire des choses passionnantes « tournez à droite », « embrayez doucement ». Mais il a la satisfaction de suivre les progrès des élèves et de les voir réussir leur permis. Il peut envisager d'évoluer vers l'enseignement de la conduite du groupe lourd (poids lourds et transports en commun), ou de créer sa propre auto-école. La répartition des horaires dans la semaine est fonction de la taille de l'auto-école. S'il y a seulement un ou deux moniteurs, on risque de travailler souvent en soirée, le temps de midi et les samedis. Dans les entreprises plus importantes, il peut arriver qu'un ou plusieurs collègues choisissent justement les horaires atypiques, ce qui permet aux autres d'avoir un planning plus classique.

Le revers de la médaille 



Deux points noirs, toutefois, qui expliquent sans doute la pénurie de main d'œuvre. Les salaires d'abord. À peine plus que le SMIC ! La priorité nationale est bien mal rémunérée... Et la rareté ne fait pas monter les tarifs : parmi les professions indépendantes, les patrons d'auto-écoles sont, globalement, parmi les plus mal payés eux-mêmes (de mémoire, ils sont avant-derniers). La marge sur la leçon de conduite est très faible. En cause, la concurrence acharnée depuis l'ordonnance de 1986. Le gouvernement Chirac, en pleine euphorie thatchérienne, a libéralisé les prix de quantité de services dont celui de la leçon de conduite. Pour faire la différence, les auto-écoles proposent des forfaits de vingt leçons « au ras des paquerettes » ... tout en espérant que les élèves-clients (ou faut-il dire élèves-cons-sommateurs ?) auront besoin d'un maximum de leçons supplémentaires, facturées plus cher. Les élèves, bien sûr, espèrent que les vingt leçons suffiront. Et le moniteur, lui, est au milieu. C'est le second point noir : un enseignant trop efficace fera perdre de l'argent à son patron. Parfait exemple d'injonctions contradictoires (double-bind). Pas facile à vivre au quotidien. Et de quoi décourager à plus ou moins brève échéance les meilleures volontés de poursuivre dans ce métier.

Posted by Jean Ploi | Permanent Link | Categories: salariat