juin 2006 Archives
mercredi 21 juin 2006 22:14
80 livraisons par jour !
Quatre vingt livraisons par jour,
parfois sur plus de deux cent cinquante kilomètres. Tel est le
quotidien des chauffeurs de camionnettes en messagerie. Roule ou
crève.
Il ne s'agit pas de tournées régulières, ce serait trop simple. Chaque jour, à part quelques points fixes, les points de livraisons sont différents. La journée se termine vers 17 ou 18 heures. On mange à midi dans la camionnette. Au bas mot cinquante heures par semaine.
Ce secteur est caractérisé par une explosion de la sous-traitance. Les donneurs d'ordres, souvent des sociétés multinationales, savent qu'ils peuvent compter sur une main d'œuvre toujours renouvelée : les candidats ne manquent pas. Il suffit d'avoir le permis voiture et le rêve de se mettre à son compte. Autant dire que ça fait du monde. Même pas besoin d'acheter la camionnette. Des loueurs de véhicules savent profiter de ce marché juteux sans prendre beaucoup de risques.
Chaque matin, à 5 heures 30, les forçats de la livraison viennent préparer leur tournée chez le donneur d'ordre. Il faut venir tôt pour avoir un quai de chargement et partir à 7 heures. Pour obtenir la tournée, le livreur a tiré le prix au plus bas. D'autant plus que depuis 2003, il peut continuer à percevoir tout ou partie de son allocation chômage. Le prétendu « État providence » sait être providentiel pour les multinationales de la messagerie.
Il arrive que certains livreurs surnagent. Ils songent alors à embaucher, pour prendre d'autres tournées. Comme il est impossible, à cause de la concurrence, d'augmenter le prix de la prestation au donneur d'ordre, les mesures d' « aide à l'embauche » s'imposent :
Il n'est pas rare de voir ainsi un petit patron percevoir son ASSEDIC et celle de son ou ses salariés. Ce qui lui permet de tirer les prix vers le bas. Bien sûr quand sa petite entreprise a coulé, il se retrouve sans rien.
Il est difficile aux conducteurs-livreurs salariés de trouver un poste. Vu la pression des nouveaux candidats (ceux qui sont dégoutés du bâtiment ou de la restauration, ceux qui ont perdu leur emploi dans l'industrie frappent à la porte), ils acceptent des conditions de travail démentes. Jusqu'à l'accident, ou jusqu'à la perte des douze points de leur permis. En effet, les rythmes de travail font des limitations de vitesse une vue de l'esprit. Surtout en zone rurale, où les radars sont moins rentables.
À tous lespeigne-culs cols blancs bien assis derrière leur
bureau, qui estiment qu'« en France on fait trop de
social » et que la condition ouvrière s'est bien améliorée,
je souhaite d'avoir à faire 80 livraisons par jour sans connaître
les adresses à l'avance. Et de manger chaque jour un sandwich au
volant.
Et à à toutes celles et tous ceux qui pleurnichent sur la dette de l'État je demande s'il est bien utile que l'argent des contribuables et des cotisants participe à la prospérité des multinationales de la messagerie.
Il ne s'agit pas de tournées régulières, ce serait trop simple. Chaque jour, à part quelques points fixes, les points de livraisons sont différents. La journée se termine vers 17 ou 18 heures. On mange à midi dans la camionnette. Au bas mot cinquante heures par semaine.
Ce secteur est caractérisé par une explosion de la sous-traitance. Les donneurs d'ordres, souvent des sociétés multinationales, savent qu'ils peuvent compter sur une main d'œuvre toujours renouvelée : les candidats ne manquent pas. Il suffit d'avoir le permis voiture et le rêve de se mettre à son compte. Autant dire que ça fait du monde. Même pas besoin d'acheter la camionnette. Des loueurs de véhicules savent profiter de ce marché juteux sans prendre beaucoup de risques.
Chaque matin, à 5 heures 30, les forçats de la livraison viennent préparer leur tournée chez le donneur d'ordre. Il faut venir tôt pour avoir un quai de chargement et partir à 7 heures. Pour obtenir la tournée, le livreur a tiré le prix au plus bas. D'autant plus que depuis 2003, il peut continuer à percevoir tout ou partie de son allocation chômage. Le prétendu « État providence » sait être providentiel pour les multinationales de la messagerie.
Il arrive que certains livreurs surnagent. Ils songent alors à embaucher, pour prendre d'autres tournées. Comme il est impossible, à cause de la concurrence, d'augmenter le prix de la prestation au donneur d'ordre, les mesures d' « aide à l'embauche » s'imposent :
- aide dégressive à l'embauche, qui permet à l'employeur de percevoir une partie appréciable de l'allocation chômage de son salarié (rappelons que l'employeur lui-même perçoit souvent la sienne)
- contrat d'insertion RMA qui lui permet de percevoir le RMI du nouvel embauché, versé par le Conseil Général
- contrat initiative emploi (subvention mensuelle de 40% du SMIC brut, financée par le budget de l'État)
Il n'est pas rare de voir ainsi un petit patron percevoir son ASSEDIC et celle de son ou ses salariés. Ce qui lui permet de tirer les prix vers le bas. Bien sûr quand sa petite entreprise a coulé, il se retrouve sans rien.
Il est difficile aux conducteurs-livreurs salariés de trouver un poste. Vu la pression des nouveaux candidats (ceux qui sont dégoutés du bâtiment ou de la restauration, ceux qui ont perdu leur emploi dans l'industrie frappent à la porte), ils acceptent des conditions de travail démentes. Jusqu'à l'accident, ou jusqu'à la perte des douze points de leur permis. En effet, les rythmes de travail font des limitations de vitesse une vue de l'esprit. Surtout en zone rurale, où les radars sont moins rentables.
À tous les
Et à à toutes celles et tous ceux qui pleurnichent sur la dette de l'État je demande s'il est bien utile que l'argent des contribuables et des cotisants participe à la prospérité des multinationales de la messagerie.
dimanche 18 juin 2006 21:29
Les rois contre les peuples

En 1814-1815, après la victoire sur Napoléon, les cours européennes ont organisé le Congrès de Vienne. Il s'agissait pour elles de consolider leur triomphe et d'éviter que la Révolution ne continue ou ne recommence, en France ou ailleurs. L'expression qui a le mieux caractérisé le Congrès de Vienne est
les rois contre les peuplesIl y a des similitudes avec la situation d'aujourd'hui. À l'échelle de la planète, cette fois. Voici par exemple un extrait du communiqué publié par l'OCDE le 13 juin à propos des politiques de l'emploi :
L'OCDE observe que, parmi les tâches les plus ardues pour les gouvernements, il y a la difficulté d'obtenir l'adhésion de l'opinion publique à certaines réformes indispensables et la difficulté de la mise en œuvre.
Mais ce ne doit pas être une excuse pour ne rien faire.
Les « réformes indispensables » dont il est question sont bien sûr
- une flexibilisation accrue du marché du travail,
- la pression à la baisse sur les salaires
- les privatisations
- le renforcement de la concurrence
Autrement dit, une Restauration¹ des prérogatives des détenteurs de capitaux. Or ces derniers sont justement ceux qui ont le plus intérêt à ce que le chômage persiste. C'est la garantie que les salaires n'augmenteront pas.
Le Secrétaire Général de l'OCDE, ne manque pas d'humour. Il a déclaré
Faire en sorte que les gens qui souhaitent travailler accèdent à l'emploi est l'un des grands enjeux auxquels sont confrontés de nombreux gouvernements de l'OCDE. Les systèmes qui excluent les gens de l'emploi sont injustes et doivent être revus.
La seconde phrase est digne de Talleyrand : dénoncer l'injustice que subissent les chômeurs pour mieux faire perdurer cette injustice, c'est vraiment du grand art.
¹) Non pas que ces prérogatives aient jamais disparu parmi les pays fondateurs et dirigeants de l'OCDE, mais elles ont dû être rognées sur les bords pendant la période 1945-1980.
jeudi 15 juin 2006 22:32
Une société de subordination
Le critère essentiel permettant aux
tribunaux de déterminer qu'un contrat est un contrat de travail
salarié, par opposition à une prestation de service relevant du
simple droit civil, est la subordination. Le fait de
travailler sous les ordres de quelqu'un caractérise en
effet le salariat.
L'augmentation de la part des salariés dans la population active est une donnée fondamentale de l'économie capitaliste. En effet, les travailleurs indépendants disparaissent progressivement au fur et à mesure que le capital se concentre.
Autrement dit, la pente naturelle de l'économie de marché est d'augmenter la subordination. Dit comme ça, ça va certainement choquer, mais les faits sont là. Tout le débat sur la motivation des chômeurs à reprendre un emploi prend une autre dimension si on garde à l'esprit que rechercher un emploi se résume le plus souvent et par la force des choses à rechercher un patron. Qui a révé dans sa jeunesse d'avoir un patron ?
Cette augmentation inexorable de la subordination rencontrera sans doute une limite. Actuellement le taux de subordination en France (comprendre la part des salariés dans la population active) est de l'ordre de 90%.
L'augmentation de la part des salariés dans la population active est une donnée fondamentale de l'économie capitaliste. En effet, les travailleurs indépendants disparaissent progressivement au fur et à mesure que le capital se concentre.
Autrement dit, la pente naturelle de l'économie de marché est d'augmenter la subordination. Dit comme ça, ça va certainement choquer, mais les faits sont là. Tout le débat sur la motivation des chômeurs à reprendre un emploi prend une autre dimension si on garde à l'esprit que rechercher un emploi se résume le plus souvent et par la force des choses à rechercher un patron. Qui a révé dans sa jeunesse d'avoir un patron ?
Cette augmentation inexorable de la subordination rencontrera sans doute une limite. Actuellement le taux de subordination en France (comprendre la part des salariés dans la population active) est de l'ordre de 90%.
mercredi 14 juin 2006 20:43
Préchi-Précha sur France 5
Monsieur Jacques Marseille
s'exprimait tout-à-l'heure sur France 5 dans l'émission « C dans
l'air » en bonne compagnie.
Ces messieurs versaient des larmes de crocodiles sur la dette publique (nous allons la laisser à nos enfants, vous vous rendez compte). Mais personne parmi eux ne songe à demander publiquement s'il est normal que nos impôts servent à subventionner la baisse du prix du travail, donc à appauvrir la majorité de la population.
Parce que c'est bien de cela qu'il s'agit en fait de politique de l'emploi. Monsieur Marseille s'indignait (ou peut-être faisait-il semblant) de ce que chaque chômeur coûte 30.000 euros par an. Et il proposait qu'on remette un chèque de 30.000 euros à chacun et chacune d'entre eux pour qu'il trouve un patron à qui se « vendre ».
90% de la population active de notre pays est salariée. Parmi les 10% qui restent, les travailleurs indépendants sont les plus nombreux. Comment peut-on appeler démocratique une politique de baisse du prix (ou du coût, comme on voudra) de la ressource principale de plus de 90% de la population active : les revenus du travail ?
Imagine-t-on un pays où 90% de la population vivrait de l'agriculture et où le gouvernement aurait pour toute ambition la baisse des prix agricoles ?
Information intéressante glanée lors de cette émission : l'université du Maryland aurait fait un sondage dans vingt pays pour connaître l'opinion de leurs habitants sur l'économie de marché. Et les français (ces indécrottables) seraient les derniers des derniers. Les vingtièmes sur vingt quant aux opinions favorables sur l'économie de marché (36%).
Un petit coup de Google et on s'aperçoit à la lecture des résultats de l'étude que les étrangers, y compris les américains, sont beaucoup plus proches des français, que ne le laisseraient croire les regrets de nos Diafoirus de l'économie. L'affirmation :
recueille l'approbation de 86% des français et ... de 85% des américains des USA.
No comment !
Ces messieurs versaient des larmes de crocodiles sur la dette publique (nous allons la laisser à nos enfants, vous vous rendez compte). Mais personne parmi eux ne songe à demander publiquement s'il est normal que nos impôts servent à subventionner la baisse du prix du travail, donc à appauvrir la majorité de la population.
Parce que c'est bien de cela qu'il s'agit en fait de politique de l'emploi. Monsieur Marseille s'indignait (ou peut-être faisait-il semblant) de ce que chaque chômeur coûte 30.000 euros par an. Et il proposait qu'on remette un chèque de 30.000 euros à chacun et chacune d'entre eux pour qu'il trouve un patron à qui se « vendre ».
90% de la population active de notre pays est salariée. Parmi les 10% qui restent, les travailleurs indépendants sont les plus nombreux. Comment peut-on appeler démocratique une politique de baisse du prix (ou du coût, comme on voudra) de la ressource principale de plus de 90% de la population active : les revenus du travail ?
Imagine-t-on un pays où 90% de la population vivrait de l'agriculture et où le gouvernement aurait pour toute ambition la baisse des prix agricoles ?
Information intéressante glanée lors de cette émission : l'université du Maryland aurait fait un sondage dans vingt pays pour connaître l'opinion de leurs habitants sur l'économie de marché. Et les français (ces indécrottables) seraient les derniers des derniers. Les vingtièmes sur vingt quant aux opinions favorables sur l'économie de marché (36%).
Un petit coup de Google et on s'aperçoit à la lecture des résultats de l'étude que les étrangers, y compris les américains, sont beaucoup plus proches des français, que ne le laisseraient croire les regrets de nos Diafoirus de l'économie. L'affirmation :
Large companies have too much influence over our national governments
recueille l'approbation de 86% des français et ... de 85% des américains des USA.
No comment !
dimanche 11 juin 2006 10:06
À qui profite l'affaire Clearstream ?
Début 2006, nous étions quelques
dizaines de blogueurs à promouvoir la pétition de
soutien à Denis Robert,
injustement attaqué par la justice luxembourgeoise. Du côté des
médias traditionnels c'était plutôt le black-out.
Voici que Clearstream revient sur le devant de la scène et je me pose une question :
Qui a intérêt à faire mousser la minable affaire Clearstream 2 (l'ajout des noms de personnalités connues sur les vrais listings) au risque de braquer à nouveau les feux de l'actualité sur Clearstream 1 (la dissimulation de transactions dans le cadre des circuits officiels de la finance internationale) ?
Dans les premières semaines de Clearstream 2, je pensais que l'objectif de tout ce foin était justement de créer un écran de fumée devant Clearstream 1. Si c'était le cas, il faut bien reconnaître que c'est raté. L'apparition sur le devant de la scène d'un ex-auditeur du cabinet Andersen nous replace en 2001 après la sortie de Révélation$, donc au cœur de la véritable affaire (Clearstream 1).
Fait troublant : la bourse de New-York est sur le point d'acheter Euronext, la bourse pan-européenne à la barbe de Deutsche Börse. Or Deutsche Börse a justement racheté Clearstream suite au scandale de 2001. Un beau caillou dans sa chaussure. Ou plutôt un beau clou à enfoncer, d'autant plus que Clearstream est toujours là et n'a même pas changé de nom.
L'Echo du 2 juin :
On peut toujours ne voir aucun rapport entre ces deux évènements. Dans cette hypothèse, c'est tout à fait par hasard qu'un homme politique français voulant connaître la vérité aura rendu un grand service au groupe New-York Stock Exchange Inc.
D'ailleurs, chacun sait que les grandes manœuvres internationales de concentration du capital n'ont absolument rien à voir avec le monde politique...
Voici que Clearstream revient sur le devant de la scène et je me pose une question :
Qui a intérêt à faire mousser la minable affaire Clearstream 2 (l'ajout des noms de personnalités connues sur les vrais listings) au risque de braquer à nouveau les feux de l'actualité sur Clearstream 1 (la dissimulation de transactions dans le cadre des circuits officiels de la finance internationale) ?
Dans les premières semaines de Clearstream 2, je pensais que l'objectif de tout ce foin était justement de créer un écran de fumée devant Clearstream 1. Si c'était le cas, il faut bien reconnaître que c'est raté. L'apparition sur le devant de la scène d'un ex-auditeur du cabinet Andersen nous replace en 2001 après la sortie de Révélation$, donc au cœur de la véritable affaire (Clearstream 1).
Fait troublant : la bourse de New-York est sur le point d'acheter Euronext, la bourse pan-européenne à la barbe de Deutsche Börse. Or Deutsche Börse a justement racheté Clearstream suite au scandale de 2001. Un beau caillou dans sa chaussure. Ou plutôt un beau clou à enfoncer, d'autant plus que Clearstream est toujours là et n'a même pas changé de nom.
L'Echo du 2 juin :
Comme raison probable du choix d'Euronext pour l'offre américaine, il cite l'autonomie que conserveront les activités européennes, un nombre de licenciements moins élevé, l'accomplissement plus rapide de la fusion (dans le scénario Deutsche Börse, Clearstream devait être cédée en partie) et le fait qu'il n'y ait aucun problème en rapport avec des parts de marché importantes dans certains domaines.
On peut toujours ne voir aucun rapport entre ces deux évènements. Dans cette hypothèse, c'est tout à fait par hasard qu'un homme politique français voulant connaître la vérité aura rendu un grand service au groupe New-York Stock Exchange Inc.
D'ailleurs, chacun sait que les grandes manœuvres internationales de concentration du capital n'ont absolument rien à voir avec le monde politique...