octobre 06, 2007 Archives

samedi 06 octobre 2007 21:36

Les oeuvres de l'UIMM



De tous les articles publiés sur l'affaire des retraits en liquide à L'UIMM, celui publié dans Challenges par Sabine Syfuss Arnaud me semble le plus sérieux.

Morceau choisi :

La caisse noire du patronat ? Un ancien ministre de l'Economie confie à Challenges «en avoir entendu parler». A Bercy, on évoque même une tradition en vigueur depuis... 1860. «La caisse existe depuis 1884, cela passe par le système bancaire depuis 1947», rectifie un bon connaisseur des arcanes de l'UIMM.


Pour la plupart des journaux, la piste du financement syndical est privilégiée. Possible, mais je ne vois pas ce qui exclut d'autres pistes, y compris le financement de certaines carrières politiques.

De toutes façons, ne s'intéresser qu'à ces retraits en liquides, c'est certainement oublier l'essentiel. L'UIMM et le MEDEF, qui ne représentent qu'une infime minorité de la société française, comptent beaucoup d'amis. Des universitaires, des hommes politiques bien sûr, mais surtout des journalistes n'hésitent pas à se mettre à leur service, en toute transparence. Et sans qu'il y ait besoin de leur verser de l'argent en liquide. J'en profite pour faire la pub ici d'un (probablement) excellent livre (je ne l'ai pas lu, mais je le lirais aujourd'hui avec intérêt) publié en 2001 par un excellent donneur de leçons.

Pour en revenir à l'argent liquide et à d'éventuels versements à des organisations syndicales, on ne peut bien sûr pas l'exclure. J'ai toutefois un peu de mal à imaginer ce qu'un tel système impliquerait en interne au sein de l'UIMM. Bien qu'il soit évident que cette aimable organisation n'ait jamais renié (elle) le centralisme même antidémocratique, les versements, s'il y a eu versements, ne pourraient pas être à l'initiative d'une seule personne. Combien de personnes participeraient à la décision ? Qui trancherait en cas de désaccord ? Qui rendrait des comptes à qui sur cet argent ?

Les cotisants de l'UIMM, au moins les plus importants d'entre eux parmi lesquels des industriels de l'armement, ne pourraient qu'être au courant. Ils auraient accepté que _leur_ argent (c'est ainsi qu'ils appellent ce qui sort de _leur_ entreprise) s'évapore sans laisser de trace ?

C'est quand même beaucoup plus efficace de négocier avec une organisation syndicale une place dans dans le conseil d'administration d'un organisme de formation sous contrôle, et ils ne manquent pas, ou d'un organisme social que de lui remettre du liquide. Même si on ne peut exclure que ça puisse arriver ici ou là.

Bien sûr, des syndicats jaunes ont existé. Des milices patronales aussi. En général très proches de l'extrème-droite. Mais les patrons ont-ils encore besoin de ça aujourd'hui ?

Et s'il existait (supposition totalement gratuite, mais la question mérite à mon avis d'être posée) un système de ristournes ? L'argent sortirait de l'entreprise en tant que cotisation, voire de surcotisation, parmi les frais généraux, puis « I want my money back ». Une partie reviendrait sous forme d'argent liquide au dirigeant. L'intérêt d'un tel système semble suffisamment évident pour que je n'aie pas besoin de le détailler. En tout cas, ce qui rentre dans les comptes de l'UIMM a sans doute autant d'intérêt que ce qui en sort. Quels sont les rapports, par exemple entre le groupe EADS et l'UIMM ? Le premier, bien que groupe européen, cotise-t-il à la seconde ? Même si ce n'était pas le cas, il y a forcément des liens. Ne serait-ce que par les filiales. Le président de la DCN, lui, est au bureau de l'UIMM. Son groupe devait l'année dernière fusionner avec Thalès, autre adhérent. Espérons que le secret-défense, qui a bien servi dans l'affaire des frégates, n'ira pas jusqu'à empêcher la publication des comptes de l'UIMM.

Pour en revenir à Challenges, il faut absolument lire aussi l'éditorial de Denis Kessler.

Il y expose sans détour que le temps est venu d'en finir avec ce qui a été mis en place conjointement par les gaullistes et les communistes à la Libération : la Sécurité Sociale et le statut de la fonction publique. Rappelons pour mémoire qu'à l'époque les organisations patronales tenaient moins le haut du pavé qu'aujourd'hui et qu'elle n'ont pas eu vraiment voix au chapître au moment de ces deux avancées décisives pour les salariés. Kessler explique, entre autres, la contribution des chars russes à ces deux avancées.

Voici sa conclusion :

Il aura fallu attendre la chute du mur de Berlin, la quasi-disparition du parti communiste, la relégation de la CGT dans quelques places fortes, l'essoufflement asthmatique du Parti socialiste comme conditions nécessaires pour que l'on puisse envisager l'aggiornamento qui s'annonce. Mais cela ne suffisait pas. Il fallait aussi que le débat interne au sein du monde gaulliste soit tranché, et que ceux qui croyaient pouvoir continuer à rafistoler sans cesse un modèle usé, devenu inadapté, laissent place à une nouvelle génération d'entrepreneurs politiques et sociaux. Désavouer les pères fondateurs n'est pas un problème qu'en psychanalyse.


Contrairement à ce que beaucoup croient, Kessler n'a pas forcément retourné sa veste en passant du gauchisme au monde des affaires. Ses bêtes noires sont toujours les mêmes.

On n'a pas de mal à supposer qu'aussitôt après la Libération, l'UIMM et d'autres institutions patronales aient pu constituer un trésor de guerre au cas où. Des habitudes auraient été prises, des circuits financiers mis en place, qui auraient pu perdurer puis servir à autre chose quand les temps furent devenus plus doux pour ces messieurs.

Sur le syndicalisme patronal en France de 1890 à 1986 on peut lire cet article de Sybille Gollac.

Sur la mise en place des mutuelles patronales anti-grèves, voir ceci. Le système paraît tout de même mieux rodé que des valises de billets.

Enfin, à propos de gauchisme, comment font donc les trotskystes pour se payer trois candidatures aux présidentielles ?

Posted by Jean Ploi | Permanent Link | Categories: salariat