Il y a 11 ans, le premier ministre français Edouard Balladur imposait une dévaluation de 50% du franc CFA. Du jour au lendemain la valeur du CFA passait de 2 centimes de franc français à 1 centime. Les pays africains concernés sont les suivants : Bénin, Burkina Faso, Mali, Niger, Sénégal, Togo, Centrafrique, République démocratique du Congo, Guinée-Bissau, Guinée-Equatoriale, Tchad, Cameroun, Côte d'Ivoire et Gabon.
Dix ans plus tard l'économiste sénégalais Demba Moussa Dembélé montrait dans le Monde Diplomatique à quel point cette décision unilatérale a été une catastrophe pour les pays concernés :
(...) Au total, la dévaluation du franc CFA a davantage fragilisé les économies africaines et les a rendues encore plus dépendantes de l'extérieur. Elle a notamment accentué la spécialisation de ces pays dans les exportations de produits primaires, dominées par les cultures de rente et les produits miniers non transformés : en 2000, plus de 70 % des exportations de l'Union économique et monétaire ouest-africaine (Uemoa) (14) sont composées de produits primaires. La dévaluation a également handicapé le développement du secteur manufacturier, victime à la fois de l'effondrement de la demande intérieure et d'une concurrence étrangère déloyale. Cela a précipité beaucoup d'industries encore fragiles dans le secteur informel, où la précarité des emplois et des revenus est grande, contribuant ainsi à fragiliser davantage la société. (...)
Les pays sus-cités, en particulier ceux d'Afrique de l'Ouest, échangent peu entre eux ou avec les autres nations du continent, par contre leurs échanges avec l'Europe et surtout la France représentent 50% de leur commerce extérieur.
Il faut être aveugle pour ne pas voir dans la dévaluation de 1994 et les troubles économiques qu'elle a engendrés, la cause première de la propension croissante des Africains francophones à espérer sortir leur famille de la misère en s'installant en France, en Belgique, voire en Suisse. Très concrètement, 300 euros envoyés au pays représentent aujourd'hui 200.000 CFA, alors que 2000 FF envoyés en 1993 représentaient 100.000 CFA. Ainsi le Ministre du Budget de Balladur est plutôt mal venu de réclamer une immigration choisie et non subie alors qu'il a lui-même imposé aux Africains une dévaluation subie et non choisie. Celui-là même qui n'a pas laissé d'autre choix à des hommes et des femmes que de s'exiler vers le Nord, vient aujourd'hui leur reprocher d'être là.
Nouvelle façon de faire de la politique ? Dire la vérité aux gens ? Mon oeil !
Publié le 6 février 2006