juillet 31, 2006 Archives

lundi 31 juillet 2006 21:26

À propos des radiations administratives

« Ils ne mouraient pas tous, mais tous étaient frappés »

Comme la peste racontée par La Fontaine, les dispositifs mis en place par le gouvernement pour sanctionner les chômeurs, frappent indistinctement.

Comment pourrait-il en être autrement ? Qui peut sonder les reins et les cœurs ? Qui peut dire en conscience que telle ou tel a réellement envie de trouver un emploi ? Et quel emploi ?

Le contrôle de la recherche d'emploi est en réalité une mission impossible. Il est très facile, à supposer qu'on le souhaite, de multiplier les candidatures, de se présenter à toutes les convocations, et ... de s'arranger subtilement pour ne pas être embauché. Surtout si on fait partie de la classe moyenne, ou à tout le moins si on en connaît les codes.

A contrario ne pas se présenter à une énième convocation, alors que les précédentes n'ont pas eu d'autre objet que de constater l'absence de postes disponibles, ne signifie pas qu'on ne cherche pas activement un emploi. On peut très bien, au contraire, être parti quelques jours dans une autre région, explorer un marché du travail plus propice. Ou plus simplement, avoir été appelé au pied levé par l'agence d'intérim.

Tant pis, le système tel qu'il est sanctionne les seconds beaucoup plus que les premiers. Mais ce n'est pas un hasard si les radiations frappent beaucoup plus souvent les ouvriers et les employés que les cadres et professions intermédiaires. Et encore plus souvent celles et ceux qui n'ont rien, même pas un métier. Ceux-ci ont pourtant toutes les raisons d'avoir des difficultés à trouver un emploi. Ils devraient faire l'objet d'une attention toute particulière. Or ce sont justement celles et ceux-là qui se font le plus saquer.

Le mécanisme est le suivant : Madame ou Monsieur X ne s'est pas présenté à une convocation. Constatant qu'un entretien n'a pas été enregistré dans l'ordinateur central de l'Assédic à la date prévue, celui-ci envoie automatiquement un « avertissement avant radiation » à Madame ou Monsieur X. Aucune intervention humaine. La machine, c'est bien connu, ne risque pas d'avoir des états d'âme, encore moins de réfléchir.

À partir de là, la victime de la machine devient un prévenu qui doit venir se justifier. Expliquer pourquoi il ne s'est pas présenté. Passer sous les fourches caudines. S'excuser. Demander pardon. Aller à Canossa et faire profession de bonne et loyale recherche d'emploi. C'est relativement facile, quoique désagréable, pour qui est habitué à faire semblant et à ne pas dire ce qu'il pense. Dans tous les cas c'est une humiliation : être traité en coupable pour une absence à convocation quand on est victime de l'absence d'emploi décidée et voulue par d'autres est une expérience qu'on ne peut souhaiter à personne.

Très logiquement, une partie des « avertis avant radiation » ne réagiront pas, ne se défendront pas, ou se défendrons mal. Très logiquement, les plus faibles, ceux qui ont déjà la tête sous l'eau, seront dans ce cas. Radiés de la liste des demandeurs d'emploi, ils continueront à chercher, à prendre ici une mission d'intérim, là une distribution de prospectus. Faut bien qu'ils mangent,

Par contre, ils auront été balayés des statistiques. C'est important, les statistiques. On peut en faire des discours, des articles dans les journaux. Au delà de ce bénéfice immédiat pour les gouvernements d'hier et d'aujourd'hui, les radiations en masse ont un objectif pédagogique. Il s'agit de punir au hasard pour susciter la crainte et la soumission. Et ça marche. La preuve : les quartiers populaires votent de moins en moins.

L'hypocrisie des puissants n'a pas de limites. À nous de les sanctionner pour « absence d'actes positifs de lutte contre le chômage et la pauvreté ».

Posted by Jean Ploi | Permanent Link | Categories: emploi