Michel Rocard : doucement vers la crise
Michel Rocard surprend parfois. L'
article
qu'il vient de publier est à lire. Extrait :
Premier élément, le capitalisme a changé de mode de
fonctionnement. De 1945 à 1975 dans les pays développés, il
provoquait une croissance rapide, 5% l'an en moyenne sur longue
période, ne connaissait aucune crise financière et préservait le
plein emploi : 2% de chômeurs en Europe, en Amérique du Nord et au
Japon. Le travail précaire était inconnu et la pauvreté de masse
avait disparu. Les clés de ce bonheur étaient une forte protection
sociale, des politiques internes et externes à dominante
keynésienne dans tous les grands états et surtout partout, des
politiques de hauts salaires assurant une forte consommation et
donc une croissance rapide. C'est l'actionnaire qui accusait le
prix de tout cela par la minceur des dividendes.
Trente ans après l'actionnaire s'est vengé en cassant le système.
Les fonds, qu'ils soient de pension, d'investissements, ou
d'arbitrage - les fameux hedge funds - ont regroupé les
actionnaires autrefois absents et ont pris le pouvoir. Dans toutes
les économies développées le profit a fait un bon spectaculaire. Il
représente partout entre 8 à 10% de plus du PIB qu'il y a 25 ans.
Salaires et revenus de Sécurité Sociale sont amputés d'autant. Du
coup la consommation est ralentie, la croissance est molle. Le
travail se précarise partout, la pauvreté de masse a réapparu en
pays développé. Comme les dérégulations se multiplient, les crises
financières n'en finissent plus : depuis 1990, trois crises
distinctes en Amérique Latine, la crise russe, la crise asiatique,
puis celle de la e-economie, et maintenant celle des « sub primes
».
Qui a aidé l'actionnaire à se venger ? Michel Rocard, le héraut de
la « deuxième gauche », le socialiste préféré des patrons
il y a trente ans, n'y serait-il pas pour quelque chose ?
Si c'est du repentir, il n'est jamais trop tard.